Le moins qu'on puisse dire, c'est que Ryan Coogler n'a pas froid aux yeux. Sinners est un étonnant film composite, avec trop de choses pour son propre bien : trop d'influences, trop d'arcs narratifs, trop de thématiques sous-jacentes et sus-jacentes (et même trop de format d'images ! la version que j'ai vu avait-elle un problème ?).
En résulte une expérience déroutante mais qui, paradoxalement, tient bien la route. Sa propre route. Libre et fun.
Je m'en rends compte en écrivant ces lignes : il y a une chance non négligeable pour que je surestime ce film. Ce n'est peut-être, au fond, qu'une série B horrifique un peu concon. J'aurais alors pris des vessies pour des lanternes :
de simples maladresses pour des expérimentations d'auteur engagé,
des trucs aléatoires pour des thèmes sous-jacents difficiles à comprendre,
une narration bancale pour une émancipation audacieuse des carcans hollywoodiens,
des coups de chance pour des coups de génie,
un pompage basique de From Dusk Till Down, de Jordan Peele et de Django Unchained pour de l'innutrition créative...
Peut-être.
Il y a, certes, quelques balourdises flagrantes : la scène que j'appellerais "de la danseuse chinoise" m'a fumé.
Il y a aussi de très belles images : ces immenses horizons de champs de coton, ce Mississipi poisseux qui sent la poussière.
Un traitement du diable et des vampires très novateur : la joie, la musique, la fête, une ligne assez ambigüe entre bien et mal.
Des scènes assez satisfaisantes : la fusillade "défouloir" de la fin, ainsi que la "scène post-générique"
Bref, j'ai douté, j'ai soufflé, mais j'ai aimé.
A une époque où ça fait bien longtemps que cinéma et séries sont gangrénés par des franchises en pilotage automatique qui ne vendent plus que du fan service recyclé, ce type de démarche rafraîchissante et audacieuse (scénario original + narration originale + réalisation originale pour une production AAA) a toute ma reconnaissance.
Et pour un film qui parle notamment de liberté et d'émancipation de règles stupides imposées par une société mal faite, je choisis d'y voir de la méta réjouissante.
EDIT : cela fait maintenant deux jours que je l'ai vu, et j'ai déjà envie de le revoir. Je penche donc définitivement pour la réussite. Et vu les ambitions du film, oui, il y a une petite révolution dans Sinners.
En plus depuis j'ai pu lire plein de critiques du film mieux renseignées que moi sur l'Histoire américaine à laquelle le film fait référence, et cela m'a confirmé qu'il y a de vrais messages réfléchis là-dessous.
Par contre, j'ai aussi lu que beaucoup de gens adorent la scène dite "des esprits du é et du futur" (de la danseuse chinoise). Mais là je dis non, c'est pas possible pour moi. Rien ne va dans cette scène ridicule !
Bref, GG quand même, Ryan.