Cette mère qui suppléa Dieu !

Comme Dieu ne pouvait pas s'occuper de tout le monde, il a dû inventer les mères !

Cette phrase, qui conclut avec bonheur et espérance le film, en décrit bien l'esprit épique et profondément émouvant, partagé entre l'amour et la foi inébranlable d'une mère pour sauver son fils estropié, par une obstination qui conduit à un quasi miracle.

Inspiré du roman éponyme de Roland Perez, ce film est une biographie intimiste sur plusieurs décennies de cet avocat et animateur de radio (âgé de 61 ans), très proche de Sylvie Vartan, de 1963 aux années 2010.

Le réalisateur canadien Ken Scott filme cette comédie dramatique avec beaucoup de rythme comme une histoire familiale chorale et intime, avec humour, profondeur et l'émotion d'une grande humanité.

Par l'omniprésence et la force maternelle d'une Leila Bekhti qui crève l'écran, dans le rôle d'Esther, cette mère extravagante, manipulatrice (voire ambivalente ?) et entièrement dévouée à son fils, le réalisateur aborde la lutte acharnée de cette mère pour faire réparer le pied bot de son dernier et sixième enfant, constaté à la naissance, et lui permettre d'envisager une vie décente.

Mais ce film est avant tout un hymne universel à l'amour maternel, au fond quelles que soient les origines et les confessions religieuses des familles, fussent-elles athées, en témoigne le rôle de Dieu mais aussi de Sylvie Vartan dans cette famille tellement unie. S'agissant d'une histoire vraie, il n'y a aucun militantisme ni sur le sujet des croyances, ni sur la question du handicap, et c'est plutôt réjouissant.

Conduit intelligemment par la voix off de Roland Perez adulte (joué par un excellent Jonathan Cohen, à la fois docile et reconnaissant envers sa mère mais néanmoins sûr de lui), le scénario du film, écrit par Ken Scott, enchaîne deux parties complémentaires mais en tous points différentes.

1- Le combat d'Esther

À la naissance de Roland, la famille désormais de 6 enfants peut bénéficier enfin d'un appartement modeste mais confortable rue de Choisy à Paris. L'atmosphère des années 60 puis 70 est parfaitement reconstituée, avec une image contrastée à gros grains qui accentue le côté vintage.

Mon fils a un pied bot ? Et l'autre il l'est pas, beau ?

À la découverte de l'infirmité de Roland, le ton, sous cet emballage humoristique, est donné : Esther est une mère toute entière dédiée à l'épanouissement et l'éducation de ses enfants, et elle se promet coûte que coûte que Roland marchera sans appareillage.

De rencontres médicales infructueuses en démêlés nombreux avec les services sociaux qui lui reprochent de mal éduquer son fils, et n'écoutant que sa foi profonde et son comportement limite déraisonnable avec les autres, Esther trouve une voie parallèle quasi miraculeuse et surnaturelle pour permettre à son fils d'espérer enfin marcher. On sent aussi qu'elle joue avec le feu et on redoute que tout cela puisse ne pas conduire au résultat escompté. Dans le rôle de la rebouteuse Madame Vergepoche, Anne Le Ny nous fait partager avec angoisse les incertitudes de la démarche.

Mais le réalisateur nous montre également une famille soudée (avec un père spectateur), et les 5 aînés qui entourent tendrement un Roland enfant, joué par Gabriel Hyvernaud puis Naïm Naji, attendrissants, drôles et parfaitement dirigés. Par une présumée espérance thérapeutique, en pleine époque SLC, c'est ainsi que la musique de Sylvie Vartan entre dans la famille, chantée en chorale par la fratrie. Baigné par cette ambiance protectrice, de son lit médicalisé installé dans le salon façon hôpital de campagne, au grand dam du père, Roland va trouver en lui la force de croire en l'avenir. Et il arrive même in extremis à faire taire la sévère mais juste assistante sociale Madame Fleury, interprétée par une Jeanne Balibar (brillante en ce moment dans Le Système Victoria) plus vraie que nature avec ses lunettes vintage.

Cette partie est sans conteste la plus chargée d'émotions et de profondeur humaine du film, sans se départir d'un humour qui apporte une légèreté salutaire.

Et c'est dans ce mode miraculeux "Lève-toi et marche", certes bancal mais toujours poussé par une Esther inflexible, qu'on voit Roland dans un étonnant début de carrière artistique, dont le cours Simon, jusqu'à le retrouver, sous les traits de Jonathan Cohen, se diriger vers des études classiques de droit et rencontrer celle qui sera sa future femme, Litzie.

2- L'émancipation de Roland et la rencontre avec Sylvie Vartan

Ah qu'il est difficile pour Roland de s'émanciper de sa mère, y compris avec ce somptueux mariage très bien filmé, mais qui faillit tourner au cauchemar pour des questions de rites. Une prémonition quand on sait le sort terrible qui va être réservé à Litzie (une lumineuse et tendre Joséphine Japy), laissant Roland et ses 3 enfants dans une douleur immense ? Le réalisateur aborde cette période avec beaucoup de sensibilité, de pudeur et d'émotion.

Et dès lors qu'il crée son cabinet d'avocats, Esther est toujours présente, dans des situations comiques puis gênantes. Et il faudra bien qu'il l'éloigne :

Ne leur dis pas que je pars, dis-leur que je suis morte

Telle est sa déclaration pathétique quand elle comprend enfin qu'elle doit laisser son fils faire seul sa carrière.

Profitant de son é artistique, c'est dans ces années qu'il rencontre vraiment, d'abord par hasard, Sylvie Vartan (parfaitement et audacieusement jouée par elle-même), d'abord dans des interviews maladroits et drôles, puis plus tard pour devenir son avocat.

Roland ne veut en aucun cas que Sylvie Vartan connaisse l'histoire de son enfance miraculeuse et comment elle y a contribué, et tout le suspense de cette partie réside dans cette question, car en permanence et même sur son lit de mort, Esther est tellement fière de raconter l'histoire de son fils, peut-on lui en vouloir ?!

Sur la fin, on voit ainsi apparaître l'animatrice Ariane Massenet, non citée au générique alors qu'en fait il s'agissait dans la réalité de Sophie Davant.

On le comprend, cette deuxième partie est moins captivante que la première, plus classique, malgré une relation authentique et vraie avec Sylvie Vartan, et qui d'une certaine façon boucle la boucle du destin de Roland Perez, loin d'être terminé bien sûr !

Retrouver ma critique complète sur Le Mag du Ciné :

https://www.lemagducine.fr/cinema/critiques-films/critique-ma-mere-dieu-et-sylvie-vartan-10074930/

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le 22 mars 2025

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