Pour son premier film, le réalisateur Julien Colonna, fils du célèbre "Jean-Jé" Colonna, parrain présumé du Milieu Corse dans les années 70, nous offre une fiction puissante et intime sur les relations filiales, d'autant qu'elle repose sans aucun doute, sur ses racines personnelles.
Dans une ambiance vintage et oppressante, le film met en scène, pendant la période estivale de 1995 du côté d'Ajaccio, pour partie au milieu des touristes, les pérégrinations violentes d'un gangster Corse en cavale, en pleine guerre fratricide pour l'indépendantisme, accompagné de sa fille adolescente Lesia, qu'il veut protéger autant que possible de ces terribles événements et la laisser à son insouciance.
Adoptant intelligemment le point de vue de la jeune fille, qui cherche avant tout à profiter d'instants de partage avec son père, ce film prend l'allure d'un polar où de ce fait on devine plus les événements qu'on les comprend. Et tout au long des bains de sang qui s'égrènent, et que la menace se resserre, nous assistons à des moments d'une rare intensité entre le père et la fille, allant jusqu'à bien d'inavouables confidences, rendant encore plus forts et émouvants leurs liens du sang, où le père est loin d'être un héros !
Par le scénario, les dialogues, mais aussi par le la langage des corps et des visages, on reconnaît l'apport indéniable de la co-scénariste Jean Herry, déjà reconnue pour ses excellentes réalisations comme Pupille et le récent Je verrai toujours vos visages.
Le choix des acteurs locaux, non professionnels, et leur jeu exceptionnel, relève de la prouesse.
Le Royaume (et ce qu'il en reste in fine...) justifie amplement sa sélection au festival de Cannes dans la catégorie Un certain regard. Ce film mérite sans conteste notre curiosité et a toute sa place dans le cinéma français de 2024.