Le trou et la souris

Choc et vertige, sur un sujet des plus entendus, pour comprendre à la fin ce que le cinéma peut avoir de plus grand quand il ne crâne pas seulement de maîtrise. Bien réelle pourtant. Le coup d'orfèvre est signé Emmanuel Finkiel dont on avait déjà plus qu'apprécié "La Douleur" (avec Mélanie Thierry en Marguerite Duras déjà formidable). Sujet d'obsession, condition sine-qua-none de son inspiration et de son art, la Shoah faisait aussi l'objet d'un premier film remarquable intitulé "Voyages". Il s'y entend donc Emmanuel. Il s'y écoute. Il s'y voit. II se scrute. Il est de ces artistes qui placent à leur droite la Mémoire, à gauche ce qui pourra la gêner. Et cela fait...du cinéma.

Inutile de raconter en détail l'histoire de Hugo et de Mariana. Faisons vite. C'est en Ukraine, elle le recueille en 42, alors que sa mère a peu d'espoir dans leur fuite. Celle-ci disparue (évincée?), Hugo se retrouve donc aux mains d'une inconnue qui l'enferme dans sa chambre, plus exactement dans un réduit.

En fait elle le protège, le dissimule à la Maison. Et cette maison est close. Dans tous les sens du terme, c'est un bordel.

Hugo era ainsi deux ans, et lorsqu'on ne voit pas on entend, on ressent. Hugo, 12 ans, grandira ainsi et basculera dans l'âge adolescent. Reclus, et dans la seule affection de Mariana...

Et c'est peu dire que le dispositif d'un quasi clos procure à Finkiel l'occasion d'écrire le traumatisme en filigrane. Ce qui sera perception, souvenir, fantasme.

Rajoutez à cela ce qui n'est plus une surprise. Mélanie Thierry est une grande actrice. Elle a appris ses répliques en Ukrainien, elle bouleverse, sans démonstration. Cette rencontre avec Hugo, elle est aussi la nôtre. Nous sommes aux mains de la figure et son actrice, et nous avancerons comme nous grandirons dans le thème. Un monde déchiré par la guerre.

Enfin, la résonance aux troubles actuels pourra vous prendre.

Un grand film, à n'en pas douter, à n'en pas tergiverser. L'oeuvre est complète et aboutie. C'est le film d'un chercheur, non d'un faiseur, d'un témoin, d'un fragment de notre humanité. Au même titre que les écrits de Didi-Huberman décortiquent les signes, la chambre de Mariana se couche sur les stigmates plus que les symptômes. Assez délicatement, mais le plus honnêtement du monde.

On a cette pensée pour une Anne Frank si souvent censurée quand elle écrit sur son désir naissant. Je refai donc cette polémique qui voudra que l'on se voile les yeux face à l'évolution inévitable de la relation d'Hugo et Mariana.

Un grand film disais je.