La Renaissance ?

Comment se relever, comment se reconstruire quand l’un des plus éminents membres d’un groupe quitte l’aventure ? C’est la question éternelle, qui revient inlassablement dans l’histoire de la musique, grande comme toute petite. Et à laquelle Black Country, New Road ont du être confrontés bien malgré eux, avec le départ soudain de leur leader vocal et d’écriture Isaac Wood, à quelques jours de la sortie en février 2022 de Ants Up From Here, somptueux second album qui devait couronner le talent de la troupe britannique. Au lieu d’un triomphe, branle bas de combat, avec l’annulation de la tournée dans un premier temps, pour tenter de se recentrer, de composer dans l’urgence de nouveaux morceaux à ensuite défendre en live…

Au lieu de baisser les bras, les six restants ont su se remobiliser pour repartir de l’avant en rebattant, forcément, les cartes. Trois ans plus tard, voici Forever Howlong. Le groupe se sent prêt à proposer son nouveau style, son nouveau format, où le chant est désormais partagé entre les trois membres féminines, Georgia Ellery, May Kershaw et Tyler Hyde. Et James Ford a été appelé en renfort pour apporter son expertise sur la production (bientôt on ne citera que les albums sur lesquels il n’intervient pas, ça ira plus vite).

Le choix des singles n’a évidemment rien d’un hasard puisque Besties et Happy Birthday partagent cette même envie, ce furieux besoin de présenter le dernier prototype. Deux titres résolument joyeux, festifs et plein de chaleur, avec un effet Sunny Delight qui contraste fortement avec les envolées sous Prozac de Wood. Une autre manière de mettre en exergue le talent intact de musicien de chacun, le dénominateur commun d’avec ses prédécesseurs.

Oui, autant balayer les doutes tout de suite: si vous n’aimiez pas BCNR auparavant, ça sera peut-être toujours le cas ici. Le groupe a toujours créé un fort clivage, avec ce côté premier de la classe, tout propre, tout beau, qui peut irriter : l’étiquette n’a pas été coupée… qu’on se le dise ! On est toujours dans la démonstration, dans ce désir d’en mettre plein les oreilles sur de longues pistes, avec des tours de e-e audacieux (For the Cold Country), et s’il est difficile de ne pas être ébahis par les innombrables possibilités que s’offre le groupe dans ses compositions, certains peuvent tiquer face à un schéma répétitif.

Surtout qu’il est difficile de ne pas finir par noter l’absence de l’ancien meneur… Si le trio vocal se donne du mal, et apporte clairement une rondeur et un positivisme bienvenu, les segments ralentis, où l’émotion est recherchée, n’ont plus le même impact, la même profondeur qu’auparavant. Pire, on e quelques fois à deux doigts de l’ennui (Mary, Forever Howlong)

Tout n’est pas perdu, évidemment : Black Country New Road possèdent bien trop de ressources en leur sein pour ne plus trouver la lumière, et Forever Howlong connait ses bons moments, comme ses trouvailles (Goodbye ou Nancy Tries to Take the Night, LE morceau-pont avec leur if). Seulement ils n’ont peut-être pas encore terminé leur mutation, et cherchent toujours la formule idoine pour réussir définitivement leur deuil.

On peut compter sur leur soif d’expérimentation pour finir par la trouver.

[Chronique à retrouver sur Benzinemag]