Que ne ferait-on pas pour vendre de l'extra-pure? Ce secteur d'activité présente de hauts risques promettant une rentabilité qui fait accepter le prix à payer. Celui du sang, le sien, celui de sa famille ou de ceux qu'on aime.
L'enquête de Roberto Saviano qui a nourri cette série offre une qualité pédagogique insurable pour qui voudrait comprendre les ressorts du capitalisme et les rouages de la mondialisation*, les deux ne formant qu'un, en ce monstre hybride, ce serpent venimeux qui nous regarde droit dans les yeux, saisissante image finale du générique.
Mais vous, êtes-vous prêt à la regarder cette vérité Zero Zero Zero? A payer le prix de votre temps, et celui de votre attention à comprendre comme à encaisser ces scènes inables de cruauté extra-pure qui vont jalonner ce chemin de croix vers la délivrance du Graal atteint.
Car oui l’habileté de cette série est de faire du maillon majeur de la chaîne ce duo frère-sœur héritant de l'entreprise de courtage travaillant main dans la main avec les mafias du monde entier. Nous ne pouvons que ressentir de l' empathie pour ce qu'ils vivent, leur deuil et la maladie du frère étant ces coins enfoncés en nous qui vont irriguer de leur humanité notre réservoir à affect. Nous nous surprenons à espérer qu'ils parviennent à bon port, cet havre de paix auquel nous aspirons tous.
Les frères Leyra ne font en regard que répondre aux codes des businessemen arrivistes alors qu'en miroir Don Minu incarne trop aisément le vieux capo soucieux de la famille. La puissance de la fiction mise en oeuvre est de les confronter à des forces hostiles en leur sein, appelant les schémas archaïques des Tragédies gréco-romaines. entre ces deux rives de l'épopée, la balance penche clairement du coté de Manuel Contreras, bloc minéral froid porté par une mission ( laquelle? ) là où Stéfano se contente de répéter l'erreur du père. Esthétiquement l'aridité calabraise est recouverte par la luxuriance vie/mort d'une Monterrey pas du tout Zorro.
L'ensemble est porté par une virtuosité visuelle qui brasse dans chaque épisodes les trois univers en part inégales, à un rythme évitant le mécanisme comme le didactisme, porté par la nécessité, l'urgence du nœud gordien. Les tableaux à la cruauté digne d'un Goya s’enchaînent, le "time shift", cette ellipse temporelle qui relie les trois maillons, s'imposant naturellement comme le pivot de chaque épisode. De la belle ouvrage.
Alors bien sûr on regrettera que les créateurs de la série ne se soit pas plus attardés sur leurs personnages, cre leurs complexités intimes, à l'exception du catholico- shakespearien Chris(t). Une saison plus longue ou plusieurs n'aurait pas nui pour tutoyer le génie et déer le tableau d'ensemble glaçant. Le goût laissé est trop amer pour nous rester, ce n'est pas à regret que nous quittons les personnages. La machine hybride évoquée plus haut est la véritable cocaïne** de cette série monstre. Et sans doute que Sollima n' a pas eu la Force d'Humaniser ce qui aurait été l'oeuvre d'une vie. Quitte à sacrifier son ami Roberto dévoré par ses enquêtes comme unique sens à son existence.
- sans oublier l'exploration si pertinente de l'Afrique en ses diverses facettes.
** merci Tekla