Nous avions tant d'espoirs...
True Detective, c'est un peu l'incarnation de l'ambition contrariée. En effet, on sent vraiment une ambition de la part de l'auteur et du réalisateur, mais les défauts sont tels que cela reste trop souvent au stade de l'intention.
Que l'intrigue soit torchable en 45 minutes par les Experts n'est pas grave en soi. Après tout "Baltimore" de Simons ou "Requin d'eau douce" de Steinfest sont deux excellents ouvrages dans le genre policier où l'intrigue est totalement secondaire.Le problème vient du fait que l'intrigue est classique pour donner de la place aux personnages. Mais que ces personnages sont plutôt mal écrits. [Attention petit spoil] Si vous n'aviez pas vu venir que Rusty allait se taper la femme de Marty, oubliez ce que je viens d'écrire, sinon je crois que vous commencez à saisir le problème.
Prenons donc les problèmes de l'écriture des deux héros en commençant par "le bouseux" qu'est Marty. Alors ok, c'est un bon gros redneck, ça fonctionne bien très souvent, mais le final est en contradiction totale avec le personnage ou alors, sa famille est composée de greluches impressionnées par les exploits policiers du gaillard qui leur permettent de lui pardonner toute son attitude de connard pendant bien 10 ans. Votre couple bat de l'aile, votre vie de famille devient merdique? Réalisez un exploit héroïque et tout rentrera dans l'ordre. Ce gros détail mis à part, ce personnage m'a paru relativement crédible en tant que "faire-valoir" de Rusty.
Mais justement, Rusty, ce chevalier blanc des temps modernes et bien, je ne peux y croire. Autant le personnage est séduisant dans son ensemble, mais si on y regarde de plus près, il n'a aucune cohérence entre son enquête et le présent. Il change énormément dans l'intervalle, sans que l'on (ou je) comprenne bien pourquoi, devenant un tonnelet de bière parano, ce qui est une aggravation de son état précédent, mais il reste pourtant très lucide et en très bonne forme physique. Je veux son secret!
Autre raté de taille en lien avec l'ambiance (attention je spoile vaguement): les soupçons qui pèsent vaguement sur Rusty ne sont pas crédibles une demi-seconde pour le spectateur, alors que pour Marty, presque. Sachant que le spectateur à ce stade en sait autant que Marty, c'est assez étrange. Sans compter que les flics qui soupçonnent Rusty semblent être deux idiots, qui convoquent un suspect contre qui ils n'ont rien au fond et lui expliquent qu'ils le suspectent.... Bravo les gars! Oh et les références obscures au Roi en Jaune de Yates, c'est sympa, mais j'ai toujours pas compris le sens qu'elles avaient. Le tueur s'y réfère, les gens au courant aussi, mais on ne comprend pas bien pourquoi. Ajoutez à cela un final inablement "happy end US" et ça commence à faire beaucoup.
Mais ce qui sauve la série du naufrage complet et en fait une série "moyenne" c'est sa mise en scène soignée, sa bande-son qui colle à ce qui est narré et les moments de grâce, où la série arrive à transmettre une ambiance poisseuse, visqueuse, comme j'en ai rarement vu jusque là. On peut aussi rajouter l'idée générale, même si comme je viens de le montrer, elle est très mal concrétisée. Reste à voir si la saison deux tirera la série de l'ornière ou si la série va patiner, voire s'enfoncer un peu...