La première saison de Bref était décousue, plutôt des échantillons de la vie d’un trentenaire, quatre vingt morceaux de son existence, ses ennuis professionnels, amoureux, amicaux.
Je n’attendais rien de cette saison, si ce n’est un divertissement léger, sans conséquence. Et pourtant…
La seconde, aussi paradoxal cela soit il, s’attelle à recoller les morceaux. Aussi elle troque des courts épisodes de quelques minutes pour six épisodes de 40 minutes. Le narrateur, décide d’arrêter de se contenter de la surface de son existence pour en recoudre les fils. Dans la saison 1, il était le commentateur de sa propre existence ; dans la saison 2, il cherche à en devenir acteur. Il a 40 ans c’est l’heure du choix.
De ce fait on pourrait croire que la série perd son essence même. Il n’en est rien. Les épisodes reprennent ce sens du montage et du commentaire originel, prenant le temps toutefois d’en développer les personnages et les thèmes dans le moindre détail : les délires de potes, les rituels amoureux, les plaisirs quotidiens. Ce qui fonctionne toujours c’est l’authenticité et la banalité de ce quotidien : la vie en collocation, les problèmes de travail, les relations père/fils, la fratrie, le couple, et j’en e.
Mais tout cela se teinte de gravité. La série finit par le dire d’ailleurs : « ce n’est pas parce que ce qui vous arrive est banal que ce n’est pas grave. » Ici on a un narrateur qui affronte la mort de son père, la rivalité avec son frère, sa vie sentimentale et professionnelle. Il doit mûrir, devenir homme, surmonter, déer. Il est acculé. Il n’a plus le choix.
On rit donc mais on pleure aussi, particulièrement lors de l’épisode 3, peut être le plus chargé en émotion. Kyan Khojandi utilise la métaphore pour illustrer son propos et Disney ici, qui a eu du nez en produisant la série, puisqu’elle rencontre un grand succès, critique et d’audience, lui donne les moyens : son récit prend de l’ampleur avec des scènes de SF, historiques, des décors, des effets spéciaux, pour qu’il illustre son récit et ses rêves. Parfois l’onirisme est peut être un peu trop poussé. Mais les acteurs, convaincants, se font plaisir et auraient tort de s’en priver. On trouve quelques cameos comme celui d'Alexandre Astier en psy, Jean Paul Rouve en voisin émouvant et beaucoup de références à la pop culture et aux films, sans oublier des trouvailles de mise en scène, très nombreuses : exploration des coulisses d’une photographie, d’un dîner de famille, des souvenirs. On notera aussi l’abondance de placement de produits qui ne vient pas gêner ce récit qui se veut ancrer dans le quotidien.
Il y a quelque chose de Jean Pierre Jeunet dans cette série : les petites choses quotidiennes, accumulées, insignifiantes en soi, qui, prisent dans leur ensemble, acquièrent un sens et une poésie singulières.
Si les choix du narrateur finissent par être payants, puisqu’il parvient à résoudre la plupart de ses problèmes, c’est qu’il a trouvé la force de les affronter. Et dès lors, c’est comme si sa vie, jusqu’à la réduite à des pastilles et des sketchs prenaient enfin l’ampleur qu’elle méritait. Comme la série. La vie, ainsi, retrouve son fil, sa chronologie, son souffle. À la fin, le narrateur contemple avec sa conte la route sur laquelle il roule, tranquillement, sa nouvelle vie de couple, symbolisée par une voiture : la vie est désormais devant soi.