Il avait besoin de s'asseoir trente secondes, il s'est assis vingt ans.
Bref. J'étais en train de faire ce que je fais de mieux dans la vie, à savoir traîner sur Internet, quand la magie de l'algorithme YouTube m'a fait apparaître, sur ma page d'accueil du site, le premier épisode de Bref.2.
Cela m'a rappelé une partie de ma jeunesse d'adulte lors de laquelle je m'arrangerais pour zapper à temps, lors de la diffusion dans Le Grand Journal sur Canal +, émission dont je n'avais profondément rien à foutre autrement, pour savourer ma pastille de trois minutes de dopamine, en montage ultra-énergique et fluide, durant lesquels j'étais touché par les vérités qui sortaient des situations vécues par "Je", et aussi frustré par le fait (oui, je sais que c'est de la fiction, mais je ne pouvais et ne peux m'en empêcher, c'est humain !) que bien qu'il était montré comme un gros loser, il avait (et a toujours !) un appartement vingt fois plus grand que le mien, une vie sociale cent fois plus riche que la mienne et une vie sexuelle mille fois plus intense que la mienne (tout en se tapant des bombes dans le lot, y compris la 10/10 Alice David !), alors qu'il est constamment dans la dèche financièrement, qu'il est chauve, un peu bedonnant, qu'il n'a pas une personnalité particulièrement remarquable (je parle de "Je", pas du comédien principal et cocréateur de ce petit bijou télévisuel, le talentueux Kyan Khojandi !). Au moins, j'ai plus de cheveux, moins de bide et deux ans de moins (oui, je me console comme je le peux !).
Bref, quand j'ai vu l'épisode apparaître sur ma page YouTube, j'ai cliqué, bizarrement pas plus intéressé que cela, car, pour moi, cette série avait eu sa conclusion définitive et logique, il y a treize ans de cela. Je voulais ne regarder que quelques minutes de l'épisode pour me faire une idée, parce qu'en ant de trois minutes à plus d'une demi-heure, on ressent obligatoirement la durée. J'ai tout regardé et je n'ai pas ressenti la durée. Je pensais que la qualité du montage allait drastiquement baisser. Je l'ai trouvé toujours aussi efficace que cool. Je voulais me limiter alors qu'à ce seul épisode. Je me suis enfilé les six comme un teubé. Je pensais que, sur plus de trois heures et demie, je finirais bien, à un moment ou à un autre, par me faire chier. Je ne me suis pas fait chier une seule petite seconde.
Bref, quand j'ai cliqué, je pensais que ça n'allait qu'être de la rigolade. J'ai beaucoup rigolé, mais j'ai surtout été ému. Bref, ça m'a rappelé que Bref. sans un "2" derrière, notamment durant la seconde moitié de la saison, c'était aussi de la tristesse, au fur et à mesure que l'on se rendait compte que l'on suivait les mésaventures banales et quotidiennes d'un connard normal, celui que l'on peut devenir facilement, en fonction des circonstances. Bref. 2, ce n'est pas de la nostalgie, avec du fan-service à deux balles, c'est une troublante plongée dans le é, lors de laquelle "Je" fait face au sien, à sa véritable et peu reluisante personnalité, à s'écarter de l'image qu'il se renvoyait faussement de lui-même et des autres (ce qui était déjà présent lors des derniers épisodes, comme je l'ai déjà mentionné ; par exemple, celui qui prenait exceptionnellement le point de vue du personnage de "cette fille", comme si elle n'avait pas d'autres traits que son genre pour "Je", s'appelant en fait Sarah, incarné par Alice David, que j'ai déjà mentionnée aussi !), pour entreprendre le plus difficile et de loin, devenir une meilleure personne, pour pouvoir profiter du présent et tourner les yeux vers l'avenir. Bref, cela a été comme un électrochoc émotionnel, une baffe d'une force peu commune, pour moi. Je ne sais pas si c'est le fait d'être de la même génération que "Je" qui y est pour quelque chose, mais ça a été aussi un miroir dans lequel mon reflet a été aussi intense qu'embarrassant à regarder. Je suis encore hanté par ce que j'ai vu.
Sur un plan nettement moins personnel, moins affectif, plus technique, j'y ai vu toujours de belles idées de mise en scène, entendu des punchlines d'une vérité bouleversante, ressenti des situations familières, compris que les moyens étaient bien plus présents (permettant plus de délires visuels et narratifs, y compris en plongeant dans le domaine de la SF !), que le format 30-40 minutes fonctionne aussi bien que celui de trois minutes, voire encore mieux, étant donné que ça offre plus de temps pour approfondir les rebondissements ainsi que les caractères, que les comédiens, anciens et nouveaux, connus et moins connus, sont tous exceptionnels, que les personnages sont tous superbement écrits.
J'ai adoré et je suis bouleversé. Je me sens autant euphorique que déprimé. Bref, j'ai visionné Bref. 2.