Il y a quelque chose d'envoûtant dans ce "Bref instant de splendeur" d'Ocean Vuong. Ce qui marque, dans ce roman autobiographique, ce n'est pas cette nostalgie d'une schizophrénie familiale, que sa poésie profonde, ses agencements complexes et lumineux à la fois. Dans cette lettre à sa mère analphabète ("une tempête de mère") entre délicatesse et crudité, le plus essentiel n'est pas le roman d'apprentissage comme tant d'autres, ni celui, symbolique, de la génération post-vietnam, mais au contraire, cette intimité, cette sensibilité sismique que Vuong met dans ses mots. Cette manière de faire affleurer ses blessures, sans rien en révéler. "Il m'aime un peu, pas du tout, nous apprend-on à dire en arrachant la fleur à son existence de fleur". Même si la dernière partie est un peu faible, Vuong à l'art de savoir jusqu'où une histoire a le pouvoir de nous emporter, tout en restant à son orée. Même si cela reste sous la forme de fragments, comme les restes d'un naufrage indéchiffrable. "C'est pour la beauté, ai-je appris, que nous nous mettons en danger". Puissant !