https://www.youtube.com/watch?v=eAW3y5l6Dm4
Voir le monde avec des yeux d'enfant.
Des yeux qu'on accuse trop souvent d'être plus gros que le ventre, mais c'est des bêtises, j'ai mesuré. Des yeux remplis d'étoiles, de petites étincelles, d'un trop plein de lumière qui jaillit à la surface et embellit tout, le sol, le plafond, les meubles, tout.
Des yeux figés sur une petite tête blonde qui ne comprend pas les subtilités des adultes, leurs absurdités, leurs blagues, leurs métaphores, une petite tête bourrée de l'innocence propre aux enfants.
Sur les côtés de cette caboche, deux petits trous que les grands ont décidé d'appeler des oreilles. Deux oreilles, donc, qui reçoivent au coeur d'un appartement rendu magnifique par les yeux d'un enfant la voix de Nina Simone, et son Mr Bojangles qui tourne, tourne, et emplit chaque recoin du logis.
Et face à lui, deux corps, qui tournent, qui tournent, qui volent si haut qu'ils ne touchent terre que les quelques secondes interrompant le cycle continu du disque, le temps de replacer le diamant sur le bord pour convoquer à nouveau la voix céleste, et l'entendre susurrer avec mélancolie "Mr. Bojangles, Mr. Bojangles, dance."
Dans cet appartement, la réalité s'est suspendue, balayée par la fantaisie d'une femme sans nom et par son mari, complice d'avoir laissé le quotidien à la porte de leur foyer. Chez eux, on danse, on joue, on rit, on se perd dans une bulle hors du monde, pleine de folie et d'un amour incommensurable. Lui la regarde les yeux emplis de tendresse, elle le fixe d'un regard enflammé, et ensemble ils virevoltent comme un tourbillon de vie.
Et dans un regard d'enfant, ce monde a la perfection d'un rêve.
Quand cette bulle éclate, rattrapée par une réalité bien plus moche, plus grise, les yeux se voilent parfois, noyés dans quelques larmes qui déferlent bien vite le long de ce visage minuscule.
Face à la tristesse, restent la fantaisie, la poésie, et un amour fou, scellé pour l'éternité par le regard d'un enfant irant ses parents.
Le regard d'enfant vieillira avec le temps. L'oeil s'usant, les rides se creusant, les étincelles seront moins belles, les couleurs moins vives. Mais au fond subsistera toujours un coeur d'enfant, et ce souvenir ancré de l'amour inconditionnel de deux parents. Un souvenir qui le suivra partout.
Oui, partout, vraiment partout.