Racine se targue dans sa préface à Bérénice d'avoir avec trois fois rien, c'est-à dire trois personnages et une intrigue extrêmement simple, fait jaillir des sentiments autrement plus puissants que ce que tous les imbroglios de Corneille ne pourront jamais faire ressentir.
Or cette tragédie versifiée et codifiée dans les plus pures règles classiques ne laisse pas d'étonner de la violence avec laquelle elle heurte le lecteur. Selon moi, mais cela reste mon avis, les plus beaux vers de la littérature se trouvent dans cette pièce, dans le personnage d'Antiochus, le délaissé de ce triangle amoureux. Certes les alexandrins peuvent paraître au premier abord rébarbatif, pourtant Racine les manie avec tant de virtuosité qu'il n'est pas nécessaire d'être un grand lecteur pour s'y laisser prendre et plonger dans le dilemme de Titus, contraint de choisir entre Rome et Bérénice, le désespoir de cette dernière, opposé à l'espoir d'Antiochus de la voir venir à lui, la violence des ions de tous les personnages, enfin.
Si Bérénice est un grand classique de la littérature française ayant traversé les siècles, c'est bien qu'elle mérite d'être lue.