Quand j'y réfléchis, je me demande comment ce jeu a fait pour se retrouver sur Steam, parmi les FPS et autres jeux d'actions qui abondent en cette génération. Je pourrais le décrire rapidement en tant que "visual novel de SF néo-féodale féministe", ce qui a l'air assez ridicule dit comme ça, mais c'est un jeu assez difficile à définir.
C'est un visual novel, ça c'est certain. Beaucoup de texte - on joue une sorte de hacker qui doit récupérer des informations sur une catastrophe ayant eu lieu dans un vaisseau spatial, et on e l'essentiel du temps de jeu à lire les logs dudit vaisseau, généralement des messages que différents personnages s'adressent entre eux - et gameplay réduit au minimum - on sélectionne le message qu'on veut lire, on peut le commenter avec l'une des deux IA servant de personnages principaux, ce qui débloque de nouveaux messages et permet de progresser dans le jeu - avec de temps en temps une petite séquence de hacking (dans le genre "démarrer > exécuter > cmd > rd c:\windows\system32 > exit") qui vient rythmer un peu la lecture.
Les messages en question nous présentent un univers inspiré de la Corée féodale, ce qui combiné au concept de vaisseau spatial (comprendre vaisseau colonial, avec des dizaines de milliers d'habitants) peut paraître un peu incongru. Jamais il n'est expliqué pourquoi la micro-société du vaisseau spatial a pu adopter cette forme (la développeuse a prévu d'en dire plus dans un futur DLC), mais l'univers, nourri de nombreuses références et soutenu par une documentation conséquente, fonctionne bien.
Enfin, je devrais plutôt dire qu'il fonctionne bien narrativement, car ce n'est pas vraiment le genre d'univers agréable à vivre. Dans une société où domine le prestige social, où les femmes ne sont guère plus que des marchandises vouées à renforcer le pouvoir des hommes (quand ces derniers en possèdent), on suit le parcours de quelques familles nobles (dommage que le jeu ne propose pas de point de vue sur les autres classes sociales d'ailleurs) et de leurs membres, entre profiteurs, résignés et révoltés. Analogue nous propose une vision où peu de personnages sont clairement noirs ou blancs et où on trouve plusieurs niveaux de gris. Même les IA qui nous suivent tout au long du jeu ont des motivations parfois obscures.
Le jeu n'est pas exempt d'humour (entre une IA fan de cosplay et une tsundere, il y a de quoi faire), mais reste toutefois très sombre. L'intrigue principale, à base de mariages arrangés et de vengeance, m'a flanqué le moral à zéro. Par rapport aux autres jeux de Christine Love (Digital: a Love Story et Don't Take it Personnaly, Babe, que je recommande également si vous vous intéressez à Analogue, ou bien simplement aux visual novels), Analogue me paraît plus riche, plus travaillé, mais également plus déprimant.