Je pense que beaucoup seront d’accord pour dire que Gareth Evans n’a rien d’un cinéaste très subtile. Quand il fait un film d’action, ça cartonne dur et ça gicle loin. On pourrait facilement le situer comme un mix de John Woo et de Tsui Hark (pour ses longs plans séquences de fusillades où alternent les points de vues) et du Paul Verhoeven d’antan (lequel n’a jamais rechigné à en rajouter sur le gore de ses mises à mort).
Son dernier long-métrage intitulé Havoc (traduisez Ravage) est distribué par Netflix. Aïe, ça déjà, ça fait grincer des dents...
Les deux bonnes nouvelles sont que :
1- ce n’est pas Michael Bay qui réalise. Du coup on comprendra quelque chose à ce qu’il se e à l’écran.
2- c’est avec Tom Hardy (depuis 15 ans spécialisé dans les rôles badass), Forest Whitaker (toujours excellent même dans certains navets) et Timothy Olyphant (acteur génial mais mésestimé).
Déjà, rien que ça c’est rassurant et l’intrigue en elle-même, riche en protagonistes et en tirs croisés, a tout pour séduire. Une simple histoire de vengeance compliquée par l’implication d’autant de gangsters que de ripoux. Evans y recycle bon nombre d’archétypes propres au genre et à ses précédents films (flics pourris, toute puissante figure mafieuse, traître de service, femme de main acrobate et increvable...) dans un concentré d’action de 100 minutes où les accalmies entre deux pétarades s’avèrent plutôt courtes.
Walker (Tom Hardy) est un flic mis au placard, obligé de se coltiner une bleue sympa qu’il ne peut pourtant pas saquer. Plutôt rude et de mauvais poil, traînant son lot de casseroles, il a tout de la solide épave à la Nick Sax dans la série Happy (la licorne en binôme en moins). Tandis qu’il s’y prend à la dernière minute pour choisir un cadeau à sa fille, une bande de jeunes échappe à la police en volant un camion bourré de drogues pour le compte d’une puissante famille des triades. Mais celle-ci est par la suite massacrée dans son QG par un commando de tueurs masqués bien décidés à mettre la main sur la came. Identifié sur une des caméras de surveillance, alors qu’il n’a rien à voir avec la tuerie, Charlie, le fils du maire de la ville tente de fuir avec sa petite amie. Le maire charge en secret Walker de le retrouver et de le mettre en sécurité. Mais c’est sans compter sur la mère du jeune chef de la pègre assassiné durant le raid meurtrier, laquelle débarque en ville avec ses hommes de main et sa tueuse pour retrouver Charlie qu’elle prend pour l’assassin de son fils. Walker aura fort à faire pour retrouver le gosse, le protéger lui et sa copine, non seulement des gangsters mais aussi de certains ripoux.
Alors oui, on pourra râler devant le manque d’originalité de l’intrigue. C’est du déjà vu et revu, pompé, repompé, depuis Clint à Statham en ant par Bébel, Delon, Bruce Willis et Columbo (cherchez l’intrus). La différence c’est que Evans mise à nouveau tout sur la violence et sur ses effets de styles un peu lourdingues (les ralentis parfois inutiles), en plus d’ab des plans séquences numériques pour er d’un lieu à l’autre donnant parfois l’impression de regarder les cinématiques d’un GTA hivernal.
Mais Netflix l’a payé pour renouer avec ce qu’il fait de mieux et le gonze n’a pas perdu la main : la scène de fusillade centrale dans la boite de nuit vaut à elle seule le coup d’oeil tant le réalisateur rivalise de virtuosité pour ne pas trop nous perdre entre tous les points de vues et enjeux de la scène (il faut dire que trois groupes antagonistes s’y canardent quand même). Même si l’action n’est pas toujours très lisible (parfois on ne sait plus qui tire sur qui), un bon client du genre tel que moi ne pourra que se réjouir devant ce déchainement de bruit et de fureur. De l’action jubilatoire qu’Evans réitère dans sa dernière partie, un peu moins maîtrisée, et pétrie de facilités (les retournements de rapports de force sont un brin faciles).
Le gros souci du film (son trop grand nombre de personnages) se voit balayer par l’audace visuelle et, j’oserais dire, l’enthousiasme d’un cinéaste qui sait très bien ce que ses détracteurs lui reprocheront : son hyper-violence. Mais Evans s’en cogne et il a raison. Si tu n’aimes pas, mets-toi donc le dernier film de Michèle Larroque et fais pas chier. Cette hyperviolence du film brocardée ça et là par la presse, ceux qui ont déjà été vaccinés aux The Raid, Berendal et autres The Night comes for us en riront à s’en claquer un abdo.
Ravage ne marque pas tant pour sa violence que pour ses qualités d’interprétations, d’écriture, de réalisation et de direction artistique. La ville anonyme du film est de ces métropoles sordides bourrées d’imes en coupe-gorges qui ravira les fans de la Gotham de The Batman, du Detroit de Robocop et de la poubelle urbaine de Samaritan. Evans ne cherche en aucun cas le réalisme ici, ni même à concurrencer John Wick en faisant de son héros Walker (Tom Hardy), foncièrement individualiste, un être bien plus antipathique au bodycount certes assez conséquent. Le cinéaste souhaite simplement faire un film d’action débridé, et profite que le N rouge lui laisse les coudées franches pour envoyer se faire foutre dame censure.
Pour le reste, il prétextera le tout par un timide sous-texte sur l’absence de modèle parental sain. En achevant sa trajectoire, Walker décide ainsi que loin de cette boucherie, mieux vaut que sa fille vive son Noël tel qu’il doit être pour un enfant, sans souci, ne courant pas le risque de le lui gâcher par ce qu’il reprèsente : l’anti-thèse du bon père (ce que Evans appuiera dès son exposition) et un assassin qui n’a jamais vraiment digéré son implication dans un meurtre commis par son collègue et rival.
Ravage, c’est un pur concentré d’adrénaline injecté dans un univers sordide où tout le monde ne pense qu’à sa gueule. Tout le monde ou presque : il reste une bonne flic (la bleue à la gâchette facile), deux jeunes amoureux, et trois daron(nes) qui se soucient encore de leurs enfants au sein d’une humanité a priori perdue.