Tradition reprise de son modèle Alfred Hitchcock et instaurée dès son premier film (Praying with anger), M. Night Shyamalan s'amuse à apparaitre dans tous les longs-métrages qu'il a réalisés. Jusque-là, ses manifestations n'avaient pas nécessairement de signification cachée en dehors du clin d'œil. Avec Old, c'est sans doute la première fois depuis La Jeune fille de l'eau que ce caméo revêt un sens hautement méta.
Dès son retour en grande pompe avec Split, le metteur en scène a remanié sa formule. Le découpage des séquences devenait plus excité tandis que l'humeur se faisait plus mordante. Une approche qui s'est retrouvée sur la suite et conclusion Glass, mais qui atteint son point culminant avec ce nouveau projet. Sur le papier, c'est un pur Shyamalan : un concept insolite, un mystère à résoudre, et un moment effrayant en perspective. Effectivement on va vite à l'essentiel : les personnages sont posés et les règles du jeu aussi. En 15 minutes, on coche plusieurs conventions et hop, la partie débute. Ou plutôt les parties. Et voilà le hic : Old est un inexplicable chantier. Imaginez une souris de laboratoire entre les mains d'un scientifique schizophrène et vous aurez une idée du résultat.
Le cinéaste s'en amuse en bousculant sa mise en scène, avec une caméra qui s'affole sans prévenir (en suivant les enfants qui jouent, par exemple), beaucoup de décadrages, de zooms secs, et des ellipses soudaines. L'imprévisibilité à certains avantages, mais aussi ses travers, le plus gros étant que Shyamalan ne semble jamais choisir parmi les registres : thriller, horreur, drame, comédie, satire. Donc il enquille les scènes et bon nombre ne s'accordent pas entre elles. Certaines jouent à fond le suspense, la suivante est un vrai sketch, celle d'après touche la fibre dramatique et boum on tape dans le délire.
Comme le scénariste/metteur en scène ne semble croire à ce qu'il raconte, cela se répercute sur les comédien.nes qui n'y croient pas plus. Leurs prestations sont rigides, bizarres, engourdies comme si personne ne savait ce qu'il faisait. Pas facile de leur en vouloir, leurs personnages font du surplace pendant 1 heure, découvrant constamment une chose qu'ils avaient préalablement déduits (et nous avec). Ou pire, ils ne font rien avec les informations à leur disposition. Quant à l'écriture des dialogues, elle n'est guère mieux, l'ensemble étant souvent artificiel. Terminons avec les rares effets spéciaux, qui ont raison de l'être vu le rendu disons approximatif, et même les maquillages sont peu convaincants. Conséquence logique de tout cela : on y croit pas non plus. Il faut attendre le dernier tiers pour que Old se trouve, dans des moments où l'émotion pointe contre toute attente. Las, le Shyamalan à bout d'inspiration farfouille son précédent film et en reprend les résolutions à la virgule près.
S'il est devenu plus acerbe avec les années, l'exercice vire presque au plaisir sadique du marionnettiste qui tente les figures libres avec son cinéma, ses codes et ses malheureux pions. Je serai malhonnête en rejetant les bonnes idées car il y en a, elles sont parfois traitées intelligemment (les sens altérés, une poignée de panoramiques élaborés). Quelques gags volontaires parviennent aussi à faire rire à gorge déployée. Puis comme le doute est permis sur les intentions de l'orchestrateur (Ironie ? Faux pas ?), il faut reconnaitre qu'on a souvent l'occasion de sourire pendant la séance. Face à ce dilemme, optons pour la mesure même dans la déception.