Ce qui frappe d’abord, dans Novocaine, c’est cette lumière trop nette, trop blanche, trop lisse. On est loin de la poisse du néo-noir ou du grain des polars seventies. Ici, le monde est propre, mais propre comme un plateau télévisé, comme une publicité. Même la noirceur semble conditionnée, pasteurisée, prête à l’emploi.
Et pourtant, David Atkins, pour ce premier long-métrage, convoque le cinéma américain : le noir des années quarante digéré par le postmoderne, le cynisme de la génération Tarantino, les voix off. Mais ce cinéma de la citation n’a de mémoire que superficielle : ici, rien ne persiste au-delà de l’intention. Tout est là, et pourtant tout échoue à faire image.
Il n’y a pas chez lui la maîtrise formelle d’un Fincher, ni le vertige d’un Lynch. Ce qu’il en reste, c’est une étrangeté et ambiance molle. Son film reste figé entre deux gestes : l’un de citation, l’autre d’incarnation.
Car pour qu’un film noir résonne, il faut qu’il prenne quelque chose au sérieux : le désir, la perte, le soupçon. Ici, tout est tenu à distance. Même le chaos est prévu, scénarisé, digéré. Le film donne l’impression d’avoir été écrit avec des gants. Et c’est peut-être là, finalement, que réside l’échec le plus profond de Novocaine : non dans ses maladresses, mais dans son manque d’abandon.
Et pourtant, quelque chose affleure, trop faiblement, trop tard, dans cette tentative d’ausculter le corps social à travers les pulsions individuelles. La corruption des apparences, la banalité du mal bourgeois, la sexualité comme contamination... Tous ces fils ne sont qu'esquissés. Le film hésite, s’interrompt, revient en arrière, comme pris de panique devant ce qu’il pourrait révéler s’il s’abandonnait vraiment.
Même la voix off n’est ici qu’un commentaire, un surligneur de narration, trahissant l’incapacité du film à s’écrire dans l’image.