Tu ne mentiras point
6.1
Tu ne mentiras point

Film de Tim Mielants (2024)

Traumas des victimes murmurées

Sous la main de Tim Mielants, le silence s'immisce dans chaque plan, une ombre qui plane sur l’âme lugubre de son œuvre. La bande sonore, pesante, s’entrelace à une mise en scène austère, plongeant le spectateur dans une pénombre glaciale, reflet de sa météo et des blessures d’un é enfoui.

Cillian Murphy, spectre du silence, porte dans son regard une gravité si dense qu’elle semble contenir tous les traumatismes de son é. Son personnage mutique, muré dans une douleur inscrite dans chaque pli de son visage, érige une barrière de révolte sourde face à l’aveuglement collectif des témoins des horreurs des Magdalene Sisters.

Toutefois, ce poids émotionnel, aussi imposant que déchirant, s’impose parfois au détriment du récit, risquant de basculer dans une posture de rédempteur solitaire. Cette focalisation excessive détourne l’attention des véritables blessures : celles des voix meurtries et réduites au silence.

En d'autres mots, le film trébuche là où il voulait s’élever. Si le mutisme de son héros illustre cette indifférence collective, le récit semble ignorer ceux qui ont réellement subi l’indicible. Les victimes, reléguées au second plan, ne trouvent pas ici le mémorial qu’elles méritent. Le film manque l’opportunité d’explorer l’intimité de ces existences brisées, préférant les contours larges d’une fresque sociale au scalpel d’une étude de caractère.

Ainsi, l’intensité de cette performance, aussi magistrale soit-elle, menace d’éclipser l’essence même de cette tragédie collective.

Mielants dessine pourtant avec finesse un tableau sombre de l’hégémonie ecclésiastique, où l’Église, tentaculaire, étend son emprise sur les richesses, l’éducation, et l’emploi, asservissant des vies entières sous le poids d’une morale dévoyée. Cette critique systémique reste sous-jacente, un murmure persistant.

Dans son ambition, cette œuvre éveille un malaise légitime, mais peine à transcender ses intentions. Mais dans tous les cas, la dénonciation de ses injustices historiques méritaient d’être portée à l’écran !

7
Écrit par

Créée

le 20 nov. 2024

Critique lue 2.5K fois

24 j'aime

1 commentaire

cadreum

Écrit par

Critique lue 2.5K fois

24
1

D'autres avis sur Tu ne mentiras point

Silent night, holy fight

Alors que l’actualité ne cesse de nous révéler les violences et la culture du silence dans les institutions religieuses, Tu ne mentiras point propose une sorte de retour dans le temps qui pourrait, à...

le 1 mai 2025

17 j'aime

3

Le choix du charbonnier

Ceux qui ont vu The Magdalene Sisters de Peter Mullan (2003) savent ce qu'est ce long "scandale" irlandais qui imprègne Small things like these, un faux conte de Noël écrit par Claire Keegan, adapté...

le 20 déc. 2024

11 j'aime

Oui mais nonnes

Partant d’un pitch alléchant, le cinéaste belge plombe son film à force d’effets appuyés, d’une psychologie lourdingue et d’un récit à la lenteur infinie. Il faut dire que l’interprétation de Cillian...

le 24 nov. 2024

9 j'aime

2

Du même critique

L'obsession et le désir en exil

Luca Guadagnino s’empare de Queer avec la ferveur d’un archéologue fou, creusant dans la prose de Burroughs pour en extraire la matière brute de son roman. Il flotte sur Queer un air de mélancolie...

Par

le 14 févr. 2025

29 j'aime

1

Maria dans les interstices de Callas

Après Jackie et Spencer, Pablo Larrain clôt sa trilogie biographique féminine en explorant l'énigme, Maria Callas.Loin des carcans du biopic académique, Larraín s’affranchit des codes et de la...

Par

le 17 déc. 2024

27 j'aime

3

Traumas des victimes murmurées

Sous la main de Tim Mielants, le silence s'immisce dans chaque plan, une ombre qui plane sur l’âme lugubre de son œuvre. La bande sonore, pesante, s’entrelace à une mise en scène austère, plongeant...

Par

le 20 nov. 2024

24 j'aime

1