Fin de mission
C'est vrai que l'équipe d'élite, codirigée par Christopher McQuarrie et Tom Cruise, offre au cinéma un spectacle porté par une conception visuelle percutante et des séquences d'action...
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le 21 mai 2025
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Fan de Mission Impossible depuis le premier épisode en 1996, j'ai fidèlement suivi les hauts et les bas d'une saga qui, malgré ses imperfections, a su innover, évoluer, et s'imposer à mes yeux comme la meilleure série d'action thriller de ces dernières années, devant James Bond, John Wick et autres Fast & Furious.
Les trois premiers faisaient chacun leur tambouille, avec des réalisateurs et des styles très contrastés. Les trois suivants ont changé de cap, vers une direction plus formatée, mais avec assez de talent pour que ça continue de m'enthousiasmer, et cette trilogie informelle a explosé avec MI6 (Fallout) qui mettait la barre très haut pour ses inévitables suites.
Dead Reckoning était attendu au tournant, et je vais me citer, parce que c'est exactement ce que je pense de sa suite : "Malheureusement, MI7 est plombé par un script de merde. Un script tellement foireux que même ses incroyables scènes d'action et ses cascades réelles ne parviennent pas à le racheter. Et je vous dis ça, sachant que ce n'est jamais une série qu'on a suivie pour son histoire ou pour le développement de ses personnages. Mais jusqu'à présent, sans me transcender, elle évitait au moins de me faire soupirer à intervalles réguliers."
The Final Reckoning en est la suite directe, avec précisément les mêmes qualités et défauts.
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Il existe dans une dimension parallèle un montage alternatif de 40 minutes où on regarde uniquement Tom Cruise faire de la plongée à 100 mètres de profondeur et bondir d'un avion à l'autre sans parachute. Les deux principales scènes d'action de ce film sont exceptionnelles, et parfaitement exécutées en termes de rythme, de chorégraphie, de tension et de montage, et suffiraient presque à conseiller le film. Presque.
Ce qui les rend aussi mémorables, c'est qu'elles partent d'une situation impossiblement désespérée et s'acharnent à empiler sur notre héros des couches de complications, d'imprévu et d'accidents, pour rendre la situation de plus en plus compliquée, dangereuse et inextricable. Après 7 films où Hunt a risqué sa vie de toutes les manières possibles, c'est l'envie d'aller toujours plus loin et de repousser les limites du n'importe-quoi épique qui pousse à ce genre d'extrémité, et si ce n'est certainement pas nécessaire, ça ne m'a pas empêché de prendre mon pied.
Le reste est... ok. On a une course de bagnoles oubliable, des fusillades médiocres, et surtout de la bagarre brouillonne, avec des chorégraphies compétentes, certes, mais aucun sens du montage et du mouvement - n'est pas Gareth Evans qui veut. Les corps-à-corps manquent d'inventivité, de rebondissements, de petites histoires dessinées au bourre-pif, d'utilisation ludique du décor. Au lieu de ça, on voit des gros bras essayer de planter des couteaux dans des yeux et d'autres gros bras qui les en empêchent.
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Au casting, c'est un plaisir de retrouver Tramell *Milchick* Tillman, car son tout petit rôle ne l'empêche pas de crever l'écran. Et je commence par lui parce que le reste du casting est médiocre, sous-exploité ou desservi par des personnages peu inspirés.
♦ Ethan Hunt est fidèle à lui-même, et si Tom Cruise n'a plus rien à prouver, on sent que le perso est au bout du rouleau et a bien besoin de prendre sa retraite.
♦ Benji (Simon Pegg) est encore une fois scandaleusement sous-exploité
♦ Grace (Hayley Atwell) est toujours aussi naze, surtout comparée à Ilsa (RIP)
♦ Paris (Pom Klementieff) est aussi risible qu'inutile et son perso ne sert qu'à sortir des banalités dramatiques en français du genre "c'est la vie.... ou la mort..." (Fun fact, c'est Leonard *Mr Spock* Nimoy qui jouait Paris dans la série originale en 1969. Comment ça, ça n'a rien à voir ?)
♦ Esai Morales (Gabriel) s'impose de loin comme le pire antagoniste de cette longue série, en grande partie à cause du charisme inexistant de son interprète, mais aussi parce qu'il n'est jamais à l'écran.
On a Angela Bassett qui cabotine en présidente qu'on veut absolument montrer compétente et intègre. Elle aurait pu remplir l'habituel quota ethnique, mais comme on ne la voit que trois scènes, on a jugé utile de remplacer un Luther vieillissant par un jeune agent de couleur (Greg Tarzan Davis) qu'on avait aperçu dans le film d'avant et dont on se contrefout.
L'entourage de la présidente fait de la figuration, malgré un casting sympa, avec notamment Holt McCallany qui a exactement le même rôle que dans The Amateur, et un Nick Offerman imberbe que j'ai honte de ne pas avoir reconnu. Mais à ma décharge, on lui a donné 20 secondes de pellicule.
Hannah Waddingham en capitaine de porte-avion ? Meuf, on s'en contre-branle de ta back-story. Shea Whigham (Briggs) est de retour ? l'acteur est sympa, on s'en contre-branle de son personnage qui essaye vainement de gagner de l'épaisseur alors qu'on ne lui donne que 2 minutes à l'écran. J'en e et des meilleurs, vu que le film a 800 seconds rôles plus ou moins creux.
Et c'est là tout le problème. À force d'ajouter sans cesse de nouvelles têtes sorties du chapeau, tout en mettant 80% des efforts sur les épaules d'Ethan Hunt, le script ne permet aucun développement de personnage et perd quasi toute l'alchimie et le travail d'équipe qui faisaient le sel des épisodes 4, 5 et 6.
Je comprends d'autant mieux le départ de Rebecca Ferguson, qui déclarait en interview qu'elle avait quitté la série, car ses tournages pharaoniques ne valaient pas l'investissement en temps, si on laissait à peine exister son personnage.
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Rien de tout ça n'est aussi grave que l'écriture absolument nulle du film, qui en fait la série Z la plus chère que j'ai vu à ce jour. Trop de drama épiquement dramatique avec des musiques pompières qui vrombissent de basses et de fureur, des enjeux ridicules de fin du monde avec des plans de caméras anxiogènes sur des ogives nucléaires prêtes à semer la dévastation.
C'est d'une lourdeur assommante, certes, mais c'est vraiment le moindre problème du film. À la limite, on peut trouver un certain charme dans ce sérieux imperturbable, puisqu'à défaut d'impliquer émotionnellement, le film a le mérite de se prendre au sérieux et d'y aller franco avec une sincérité louable.
Alors qu'est-ce qui casse à ce point le script ?
■ Des dialogues écrits pour des neuneus ou des enfants. C'est la première fois que je vois un film américain avoir si peu confiance en son audience. L'enjeu majeur du film est qu'il y a deux objets à récupérer et qu'il faut les emboiter, et la moitié des dialogues du film nous rappellent à quoi sert chaque objet, où ils se trouvent actuellement, et pourquoi il est si important de les emboiter. J'aurais pu être sur un autre écran à regarder des vidéos de chats et ne jamais perdre le fil.
Ça culmine en une scène d'action finale où le méchant a l'un des objets autour du cou, et la caméra zoom au moins dix fois sur son pendentif, pour ceux qui ont oublié pourquoi Tom risque sa vie sans parachute. C'est embarrassant et un peu insultant, mais moins que les flashbacks qui vous montrent une scène survenue cinq minutes plus tôt, au cas où vous auriez piqué un petit roupillon après une cascade.
■ Quel intérêt d'inventer tous ces liens narratifs avec les précédents films ?
Le film se retrouve à patauger dans un bourbier d'explications inutiles et s'invente des liens avec les premiers opus, alors que ces trois films étaient des œuvres indépendantes qui n'ont jamais eu l'ambition de construire un univers étendu. En tant que spectateur, quand on me dit que le MacGuffin de MI3, était en réalité un foreshadowing de ouf concrétisé 19 ans plus tard, je n'y crois évidemment pas un instant.
C'est d'autant plus risible qu'ils se servent du "Rabbit's Foot" de MI3, que le film avait volontairement laissé dans le flou, assumant ainsi pleinement son statut de MacGuffin (objet utilisé comme prétexte au développement d'une histoire, et dont la nature est sans conséquences)
■ On dit qu'un bon méchant fait une bonne histoire, et MI8 se paye une collection d'antagonistes nuls.
On commence par l'entité, une IA maléfique qui s'apprête à déclencher une apocalypse nucléaire, parce que pourquoi pas. L'entité plombe le film de la même manière qu'elle sabotait le précédent, en n'ayant aucune présence dans le film, car sa nature d'IA est totalement inexploitée et son impact sur le monde (désinformation, perte de repères, violences) est évoquée en une phrase sans qu'on en voie jamais d'effet concret. C'est une menace latente qui ne sert à rien vu que la vraie menace, ce sont les gros missiles. Mais alors, pourquoi une IA plutôt qu'un collectif de hackers qui prendraient le contrôle de l'armement mondial ? C'est vraiment juste pour l'effet de mode ?
On continue avec Gabriel, encore plus absent que dans MI7, campé par un acteur au rabais, et que j'ai le plus grand mal à prendre au sérieux.
Enfin, on a les habituels agents boulets qui n'ont toujours pas compris que Hunt faisait son taf et vont lui mettre des bâtons dans les roues avec leur inefficacité coutumière.
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Comme le précédent, je ne regrette pas de l'avoir vu et ne l'ai pas trouvé désagréable, mais c'est surtout son potentiel gâché qui me fâche.
J'y suis allé en avant-première dans une énorme salle pleine à craquer, et les réactions du public en disent long sur le grand écart permanent du film : des gens qui rient ou soupirent pendant les dialogues les plus consternants, et qui exhalent en sortant d'apnée à la fin d'une scène d'action phénoménale.
Mission Impossible fut une belle histoire en six films, et je vais tâcher d'oublier les deux derniers.
Créée
le 18 mai 2025
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Avec Mission Impossible 7, Tom Cruise sauvait Hollywood. Même si ses chiffres étaient balayés par Barbenheimer, c'était un des derniers Blockbuster d'action et de divertissement avec une âme. J'étais...
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le 17 mai 2025
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Ce film d'Action américain est de Christopher McQuarrie .On découvre dans ce huitième et dernier opus ( pas sûr ) de la saga Mission Impossible la suite de Mission Reckoning où l'histoire raconte...
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le 21 mai 2025
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Peu de films ont su me retourner comme l'a fait Martyrs. Je vais éluder le débat stérile sur la légitimité du thème de la torture au cinéma et partir du postulat que la vocation première du film...
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le 22 juin 2010
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Avec une photo gothique à souhait et un Johnny Depp qui fait peur, le film partait plutôt bien, d'autant qu'une fable romantique sur le cannibalisme n'était pas pour me déplaire, sur le papier. Mais...
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le 30 sept. 2010
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Le film qu'il vaut mieux ne pas aimer quand on veut briller en société, tant il se traine une réputation usurpée de nanar. Alors c'est le moment de m'empoigner les couilles et de les poser sur ce...
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