Après avoir revu Volver d'Almodovar la veille, me voilà au sortir de Marco. Par un heureux hasard, le thème central des deux films est le mensonge, ce qui amène une mise en perspective originale. Toutefois, dans Volver on parle de mensonge par omission (taire certains secrets de famille) dont le but est de ne pas faire souffrir ceux qu'on aime. Dans Marco on parle de mensonge par construction, ou un individu s'invente une vie qu'il n'a jamais eu. Dans le but de... on ne sait pas vraiment, le personnage réel étant toujours resté ambigu et le film restituant cela. Peut-être dans le but de se rendre intéressant, sortir d'une existence morose et se mettre en lumière. Peut-être dans le but sincère de briser l'omerta du franquisme sur les déportés espagnols vers les camps de concentration allemands. L'œuvre de Aitor Arregi et Jon Garano présente les deux thèses et montre un personnage totalement ambigu et véritable acteur, capable de faire croire à tout moment dans sa sincérité.
Le cheminement de la fabrique du mensonge de Marco tel que montré ici permet un parallèle avec l'ère actuelle de la post-vérité et des fake news, basées sur le même mécanisme : à partir de fragments de vérité, on recolle les morceaux dans le sens qui nous arrange pour créer un narratif qui est faux. Pour cela, le film est vraiment intéressant.
En revanche je reste sur ma faim pour la deuxième partie, celle d'après la révélation de l'imposture. Le film se concentre sur les émotions de Marco et la réaction de sa famille (qu'on avait peu vu jusque là). Une seule courte scène le montre dans les médias en train de défendre son mensonge, alors que le vrai Marco a continué pendant des années à er à la tv pour défendre le côté "positif" de ses actes. J'aurais beaucoup aimé voir cet aspect du médiatique plus profondément traité, car c'est à ce moment-là qu'il capte le plus l'attention et la lumière, beaucoup plus que lorsqu'il prêchait pour la reconnaissance des victimes espagnoles du nazisme.
J'aurais également voir plus de mise en contexte historique (peut-être inutile pour les Espagnols), car le mensonge de Marco se construit sous le franquisme, dont la société verrouillée, sans contre-pouvoir, favorise l'imposture et celui-ci n'est mis au grand jour que lorsque le pays sort complètement de l'héritage de cette période, avec l'arrivée au pouvoir du gouvernement réformateur et mémoriel de Zapatero.
Bref, un film intéressant sur une histoire hors-norme, mais qui pour moi manque d'équilibre et de profondeur.