« Un Britannique a très justement écrit que puisque Dieu ne pouvait être partout il a dû inventer les mères. » (Voix off du narrateur à la fin du film citant un proverbe juif)
Certes les femmes vues par les hommes. Eve et l’Arbre de la connaissance chassée avec Adam du jardin d’Eden. Pandora soulevant le couvercle de la jarre pour répandre au loin les maux terribles qu’elle renfermait. Certes la monstruosité de Médée allant jusqu’à sacrifier ses enfants par se venger d’un époux qui l’a abandonnée.
Autant de très rares exceptions au grand mythe de la Mère nourricière, tant l’amour maternel irradie les grandes œuvres de la littérature. Un Romain Gary, sans illusion et plongé dans le chagrin, ne retrouvera plus son Paradis perdu « Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. » (La Promesse de l’aube,1960). Et Marcel Proust à propos de sa grand-mère « Il n'y avait d'ironie que pour elle-même, et pour nous tous comme un baiser de ses yeux qui ne pouvaient voir ceux qu'elle chérissait sans les caresser ionnément du regard. » (Du côté de chez Swann). Et tant d’auteurs encore.
Alors, en ces temps de virilisme affirmé où les femmes désespérées voient mourir au combat les fils qu’elles auront mis au monde, respirons le grand souffle des sommets grâce à ce film-hommage rendu à toutes les mères à travers Esther Perez. Cette mère juive - dans tous les sens du terme - du chroniqueur juridique d’Europe1, incarnation d’un amour inconditionnel et d’une foi incandescente, à l’instinct animal de protection et de combativité, va vivre dans l’espérance, persuadée d’une victoire et d’un miracle divin pour guérir son fils né handicapé d’un pied bot. Prête au sacrifice de soi, pleine de tendresse pour son fils « Mchi Kapara, Je meurs pour toi ».
Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan déroule ainsi en un demi-siècle un double itinéraire de vie, celui d’Esther jusqu’à la mort avec en parallèle celui de son fils jusqu’à l’âge adulte, brillant avocat dont la fréquentation télévisée avec Sylvie Vartan a bouleversé l’enfance, immobilisé dans la corset-carcan destiné à le guérir. « La chanteuse fait partie du traitement » avait imposé avec force la guérisseuse qui le soigne.
Un film nostalgique gorgé d’une humanité à la Emilie Poulain, de joies, deuils et peines, et d’une humanité où se côtoient dans ce HLM parisien races et religions dans un vivre-ensemble œcuménique et une bouleversante solidarité. Alors il faut voir cette réalisation pour reprendre, grâce à la Femme, espoir en l’Homme. Dans ce film, populaire au sens noble, mêlant émotion, comédie et tristesse, oubliez noirceur et jungle du monde grâce à cette mère-courage avec tous les défauts et excès de ses qualités - excellente Leila Bekhti trouvant là son grand rôle - qui illumine le film et éclipse les autres protagonistes, se consacrant toute entière avec humilité à la généreuse sainteté de son quotidien.