Kaili Blues
7.1
Kaili Blues

Film de Bì Gàn (2015)

Brume et sincérité

Tout premier long métrage de Bi Gan, "Kaili Blues" nous propose une expérience cinématographique unique, à la fois elliptique et d’une fluidité remarquable, surtout dans sa deuxième partie. Dès les premières minutes, on est plongé dans un univers brumeux, fait de plans flottants et de petites scènes qui manquent volontairement de contexte.


Cette structure narrative, qu'on retrouvera dans son film suivant, "Un grand voyage vers la nuit", désoriente le spectateur, l’empêchant de saisir immédiatement tous les enjeux. Mais c’est précisément dans cette confusion que Bi Gan pose les bases d’un cinéma singulier, où la poésie visuelle prime sur la narration classique.


La première partie du film, bien que visuellement fascinante, peut dérouter. On y suit les errances du personnage principal, marqué par la perte de sa femme et son retour à la vie civile. Sur le moment, il est difficile de comprendre le sens de ces scènes, tant elles semblent fragmentées, presque décousues. Ce n’est qu’après coup que l’on saisit la profondeur de cette plongée dans la mélancolie et la douleur du deuil. Bi Gan aime opposer une mise en scène fracturée, elliptique, à la fluidité presque hypnotique du plan-séquence qui viendra plus tard.


C’est dans cette deuxième partie que le film atteint des sommets. Le plan-séquence, d’une quarantaine de minutes, nous fait littéralement traverser une journée dans le village natal du réalisateur. On y découvre une succession de situations banales, mais filmées avec une sincérité rare. Malgré quelques maladresses techniques – qui relèvent plus de l’amateurisme que d’une faiblesse de mise en scène – le film gagne en authenticité. Parfois, on décroche, mais la plupart du temps, cette imperfection renforce le sentiment de réel, d’immersion totale.


La partie chez la coiffeuse est pour moi le meilleur exemple de ça : on assiste à une confession pudique, sans pathos, juste quelques reniflements, mais une émotion brute et vraie.


Je ne peux m’empêcher de voir dans ce plan-séquence le brouillon de ce que sera plus tard le plan-séquence somptueux de "Un grand voyage vers la nuit."


La dernière scène dans le train est aussi superbe, pleine de sens, très belle visuellement et franchement intelligente. Tout ça annonce du très bon pour le prochain film de Bi Gan en 2026. J’ai vraiment hâte !

8
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il y a 1 jour

GuMY

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