Réalisateur très souvent oublié à l’aune de la popularité de ses confrères des années 80 et 90, Stuart Gordon n’en reste pas moins le réalisateur de certaines des péloches d’horreur les plus mémorables. Souvent fauchés, ses films n’en restaient pas moins audacieux et exhalaient un amour authentique pour le cinéma d’horreur. En témoigne sa trilogie de l’horreur sociale des années 2000 (King of the ants, Edmond, Stuck), ainsi que ses nombreuses adaptations (souvent chaperonnées par son ami Brian Yuzna) de l’oeuvre de Lovecraft.
Car s’il y a bien un réalisateur qui s’est longuement consacré à transférer sur écran avec plus ou moins de réussite l’oeuvre d’HPL, c’est bien Stuart Gordon. On compte ainsi les méconnus Castle of fear et Le Cauchemar de la sorcière, le très gore Dagon, le cultissime Re-Animator et le non moins célèbre From Beyond, Aux portes de l’au-delà.
Réalisé en 1986, au lendemain du succès de Re-Animator, From Beyond se pose, à l’image de son film précédent, comme une adaptation libre d’un des récits les plus connus du Maître de Providence. On y retrouve deux des acteurs principaux de Re-Animator, le cabotin Jeffrey Combs et la scream-queen Barbara Crampton. Tout comme Re-Animator, l’histoire prend pour prétexte les thèmes du récit original et s’en écarte par ses déviances gores, sa confrontation entre vilains savants et son sous-texte sexuel arrosé d’une pincée d’humour noir.
Dans une maison isolée, le docteur Pretorius, scientifique visionnaire et pervers décomplexé, est prévenu par son assistant, Crawford Tillinghast (Combs), que la machine de leur invention fonctionne enfin. Il s’agit d’un stimulateur de la glande pinéale envoyant des ondes aux cerveaux de tous ceux qui en sont proches et qui leur permet de voir et d’intéragir avec les créatures monstrueuses qui peuplent une dimension jouxtant la notre. Las, l’expérience tourne mal, des cris alertent la voisine qui prévient la police et les agents découvrent en état de choc ainsi que le cadavre décapité de Pretorius. Interné et accusé du meurtre de son mentor, Tillinghast est approché par Katherine McMichaels (Crampton), une jeune psychiatre ambitieuse, qui, décidée à le croire et sous prétexte de le disculper, lui propose de retourner dans la maison où tous les deux, accompagnés d’un policier, réactiveront la machine pour reproduire ce qu’il s’est é le soir de la mort de Pretorius.
Comme on s’en doute, la suite enquillera les situations fantastiques et les apparitions monstrueuses. Peaufinés par Screaming Mad George, les effets spéciaux du film gardent ce charme irrésistible des sfx de plateaux des 80's où le gore débridait les imaginations des créateurs et des spectateurs. Avec son monstre visqueux dégoutant de chair fondue, les apparitions de Pretorius visualisent moins l’indicible lovecraftien qu’elles figurent un sous-texte bien plus vicelard (la tête du monstre située sur son phallus) tout en convoquant le souvenir du génie de Rob Bottin sur The Thing et du cinéma cronenbergien. Ces visions dérangeantes annonçaient aussi les débordements gores du Society de Yuzna.
Un chouïa moins réussi que Re-Animator, frôlant parfois le nanar appliqué de par ses situations saugrenues (la machine kitsch de Pretorius, la libération improbable de Tillinghast, les bestioles volantes plus drôles que terrifiantes, et le cabotinage de Combs), From Beyond n’en reste pas moins une péloche d’horreur savoureuse pour sa diversité de tons, le soin apporté à ses effets spéciaux et la présence d’une Barbara Crampton toujours aussi belle et décomplexée, ant de la dégaine d’une scientifique coincée à celle d’une dominatrice à la libido débridée.
Lovecraft aurait probablement détesté ce qu’on a tiré de son récit mais le film n’en reste pas moins culte pour toutes ces raisons.