Stuart Gordon a toute ma sympathie. Le duo qu’il forme avec Yuzna est synonyme de productions elles aussi sympathiques nonobstant la bissitude ambiante (Qui a dit Guyver dans le fond ?) que d’aucun trouvera rédhibitoire. Je pense à des conneries du genre Fortress qui conserve dans mon esprit un attachement tout adolescent dont je sais qu’il ne survivrait pas à mes yeux de con blasé actuel. Je pense aussi au plaisir coupable que représente encore —puisque revu récemment— le Reanimator porté par un Jeffrey Combs au sommet ; grisante soupe nawaesque quelque peu éloignée de l’épouvante pure de la nouvelle de Lovecraft, mais terriblement porteuse de ce grain de folie formel dont on ne sait pas de nos jours où est ce qu’elle a bien pu disparaître, laissant le cinéma de genre entre torture porn putassier et films slashiés.
‘fin bref, tout ça pour dire que Gordon, Yuzna et autres Hadida je vous kiffe, mais faut pas me prendre pour un con non plus.
Gordon, pourtant fan notoire de Lovecraft (et je dirais presque adaptateur en titre de ses œuvres) se fourvoie ici complètement et nous pond presque du Barker : extase des sens, transcendance de la chair, appendice sensoriel évocateur, pulsions sexuelles, Barbara Crampton en corset de cuir —ceux ayant vu Body Double ou Reanimator savent que sur ce point il n’y a pas de quoi se plaindre, c’est du grand foutoire vulgaire tout en étant aussi soft qu’un téléfilm érotique belge (?).
Ne vous méprenez pas, j’aime Barker jusqu’à un certain point, mais j’aime aussi le prince de Providence, et pour des raisons totalement différentes.
Je peux aisément pardonner à Gordon de faire preuve d’une certaine liberté dans l’exercice périlleux de l’adaptation, exercice qui obéit à certaines contraintes, fussent elles financières, comme souvent. Sur Reanimator, le côté barré de la chose, l’audace, et l’énergie de Combs suffisaient à faire oublier les trucages aux grosses ficelles et le caoutchouc de braderie. Tant pis pour l ‘effroie, c’est de la bonne culpabilité.
Cependant, si ces mêmes contraintes financières se retrouvent ici (en pire), ce que je ne pardonne pas c’est cette espèce de bâtardise du traitement, bafouant au age l’essentiel du texte original. Même Jeffrey e pour un Combs, d’ailleurs.
Ce n’était pourtant pas bien compliqué de suggérer, à la manière de Lovecraft, l’inquiétude suscitée par la déchéance d’une demeure, peu à peu vidée de toute vie jadis occupée par les taches du quotidien. Ce n’était pas si couteux d’illustrer la transfiguration —ou perversion— des traits physiques et moraux d’un ami sans avoir recours à tout un tas de pastiches SM pour faire er un savant pour fou ou décadent. En quoi un zguègue au milieu du front peut faire valoir d’outil sensoriel donnant accès à des connaissances infinies, quand insinuer l’indicible peut éveiller l’imagination jusqu’à semer le doute quant aux capacités de perception de l’être humain, mettant ainsi en balance le monde, l’univers, les lois et certitudes rassurants ?
Ça sert à quoi qu’il se décarcasse H.P, hein ?
Alors non. Non, Combs s’ennuit. Non, le plastique c’est pas toujours fantastique. Non, le manque d’ambition n’est pas toujours lié au manque de moyen. Non, c’est pas parce que Stuart et Yuzna sont sympas que je tique pas.
Voilà bien la preuve qu’une adaptation de récit d’épouvante vidée de sa substantive moelle, c’est une horreur.