J'avais noté le 07 mars dans un coin de ma tête, date qui devait envoyer définitivement l'œuvre de Larcenet au panthéon des chefs d'œuvre. Après avoir relu le 1er tome pour la 4 ème fois, le 2ème pour la 3ème fois et le 3ème pour la 2ème fois, me voici avec le point final de ce monument dans les mains. Avant de me lancer dans cette dernière ligne droite, je faisais un point sur ce que je venais de vivre. Oui Blast se vit, tout comme "le combat ordinaire" et c'est une première force de cette bd. Les dessins sont sublimes, époustouflants, d'une rare intensité. Le choix du noir et blanc s'affirme comme une évidence et renforce la beauté de chaque planche. L'utilisation de la couleur est calculée de façon chirurgicale et symbolise les moments clés ou joue un jeu à contre courant comme un souvenir du é opposé au présent bicolore. Les hommes ont des traits grossiers à la Larcenet, le père en étant le symbole, en opposition à la nature d'un réalisme stupéfiant, illustration extraordinaire de l'un des thèmes phares de l'odyssée de Mancini. Les nombreux autres thèmes sont traités avec une intelligence incroyable. Il est question de l'enfance, le rapport au père, l'acceptation de soi, le but d'une vie, la musique, le lien avec la nature, les saisons, l'aliénation, les drogues et l'alcool, l'environnement psychiatrique, la dualité de certains individus, la société marâtre destructrice, le rapport à la mort et tant d'autres. Et bien sur, n'oublions pas le thème principal, fil rouge de l'histoire, la garde à vue. A ma connaissance peu ou pas de bds ont traité ce genre. Et je continue dans les superlatifs mais même comparés au cinéma ou à la littérature j'ai pas beaucoup de souvenirs autant réussis si ce n'est "usual suspect" ou "garde à vue". Je viens d'ingurgiter 600 pages, je vais me lancer dans les 200 dernières et je suis en iration devant ce travail titanesque. Ce dernier tome ne peut pas me décevoir et quand bien même, cela n'effacera pas ce plaisir intense déjà éprouvé. Polza est pour l'instant une énigme et nouvelle force de l'histoire, on ne comprend toujours pas ce qu'on lui reproche réellement. Certes c'est un personnage déroutant, hors norme, et pas seulement physiquement, mais l'horreur est autour de lui et il n'est que victime ou spectateur, mettant à part l'accident de voiture qui coute la vie à son frère. J'attaque. Les premières pages poursuivent son récit initiatique mais entrent un peu plus dans le cœur du sujet, Carole. C'est sombre, c'est dur, c'est violent, c'est captivant, c'est superbe. Les blasts sont à nouveau époustouflants, les dessins côtoient le génie, les pages filent à vive allure. Et là vient une première fin magistrale, finalement incontournable, comme un uppercut final sur le menton d'un boxeur déjà sonné, mise en avant par des dernières couleurs vives appuyant le noir et blanc dans une mise en scène grandiose. Rideau. Restent une trentaine de pages, épilogue et conclusion, pour enfoncer le clou, porter la confusion, signer l'œuvre, donner la clé de l'histoire et nous toucher définitivement au plus profond de notre être dans des tons bleutés savamment mélangés au noir du livre, noir de nos âmes. Ce blast m'a transporté, envouté, "j'étais rien, du vent et pourtant j'étais au cœur de tout". Je le dis honnêtement, peu d'œuvres m'auront marqué à ce point et c'est avec beaucoup d'émotion que je range ces quatre pavés à côté "du combat ordinaire" et m'incline devant votre génie Monsieur Larcenet.