Le cinéphile averti et plein de raison aura remarqué qu’il arrive parfois à Roland Emmerich, à peu près une fois tous les dix-vingt ans, de nous proposer quelque chose de regardable. Stargate, The Patriot... et aujourd’hui une série, Those about to die. Coproduite par Centropolis (la société de production d’Emmerich) pour la plateforme d’Amazon, Those about to die semblait sortir opportunément, quelques mois seulement avant la sortie de l’improbable Gladiator 2. Péplum télévisuel en dix épisodes pour cette première saison (dont cinq sont réalisés par Emmerich), le show reprend sans surprise la formule de la géniale série Rome de 2006 et celle de la moins géniale Spartacus : sexe, cruauté, trahison et mises à mort sanglantes. Soit tout ce qui définit toute bonne intrigue se déroulant dans la Rome antique, époque de débauche, de complots et de félonie par excellence.
Adaptée d’un roman de Daniel P. Mannix (qui scénarise ici les épisodes), Those about to die débute sous la fin de règne de l’empereur Vespasien, durant la dynastie des Flaviens (soit après celle des Julio-Claudiens, de Jules César à Néron, et avant celle des Antonins, de Nerva à Commode), en 70 après JC. Empereur respecté, Vespasien (Anthony Hopkins) a fait bâtir sur l’ancienne maison dorée du despote Néron, son prédécesseur, un amphithéâtre sans pareil afin d’accueillir les jeux du cirque qui lui permettent de contrôler le mécontentement de la plèbe. Sentant sa fin approcher, il hésite à nommer son successeur entre ses deux fils, l’ainé Titus, général émérite sorti victorieux des guerres judéennes mais amant de la princesse Bérénice de Judée, et Domitien, fin stratège politique mais aussi félon narcissique et sans vergogne. Dans les bas-fonds de Rome, Tenax est le maître du crime organisé. Il contrôle tous les paris sur les courses de chars et les combats de gladiateurs ayant lieu dans l’amphithéâtre Vespasien, futur Colisée. Ayant grandi dans la rue, Tenax ambitionne d’atteindre les plus hautes sphères du pouvoir à Rome mais doit affronter les fantômes de son é. De son côté, la numide Kala voit ses enfants être vendus comme esclaves à Rome. L’ainée de ses filles est vendue à Tenax et la plus jeune au consul de Rome, quand son fils Kuame, un chasseur de lions, est condamné à devenir gladiateur. Alors que Kala parvient à racheter une de ses filles et à s’associer avec Tenax, Kuame découvre la cruelle loi du plus fort dans les combats d’arène. Peu à peu, et malgré sa faible stature, sa pugnacité et la chance vont le faire gagner en popularité auprès du peuple romain. Jusqu’à lui attirer le courroux du fils de l’empereur, Domitien.
On aurait pu craindre qu’Emmerich et ses scénaristes ne diluent l’intrigue historique dans une succession de péripéties grand spectacle de mauvais gout comme le cinéaste teuton en a l’habitude. D’autant plus que les CGI, symptomatiques de l’oeuvre foutraque d’Emmerich, s’avèrent ici nombreux et certains plans en fonds verts (notamment ceux dans le désert) à la limite du crédible. Mais il faut bien avouer que des effets spéciaux, il en fallait pour rendre à cette Rome du premier siècle toute son ébullition et sa démesure. Les décors sont soignés et la mise en scène, sobre, parfois même audacieuse (sur les deux derniers épisodes surtout), réussit à rendre justice à une direction artistique de grande ampleur. Si le scénario use de nombreuses ficelles pour rebondir d’un évènement à un autre, entremêlant les intérêts de chacun de ses nombreux personnages, il faut bien reconnaitre qu’à la différence de Gladiator, qui prenait des libertés décomplexées vis-à-vis de la réalité historique (Commode n’a pas commis de parricide et n’est pas mort tué dans l’arène), l’intrigue suit plutôt fidèlement les faits historiques. Le Colisée a bien été érigé sous le règne de Vespasien, il a été terminé sous le règne de son fils Titus, les circonstances de la mort de ce dernier restent mystérieuses, et son frère Domitien a longtemps trainé une réputation de despote du fait de ses inimitiés avec les sénateurs. Aussi, de la même façon que la série Rome de John Milius et Bruno Heller réinterprétait la grande histoire du point de vue de deux protagonistes semi-fictifs, Those about to die nous propose d’explorer le règne des Flaviens par le prisme de différents personnages plus ou moins archétypaux (truands, nobles, esclaves et gladiateurs). À ceci s’ajoute la qualité de la distribution qui compte des acteurs de grands talents (Hopkins bien sûr, Iwan Rheon que l’on attendait de retrouver depuis Game of Thrones, la talentueuse Sara Martins loin de ses Meurtres au paradis, le charismatique Tom Hughes en Titus, et les méconnus Jojo Macari, parfait dans le rôle venimeux de Domitien, et Moe Hashim dans le rôle du pugnace Kwame). Il faut aussi, pour le reste, mentionner la grande qualité des chorégraphies lors des combats de gladiateurs, celui de l’épisode final restant un modèle d’action parfaitement lisible.
Si l’intrigue tarde à décoller (il faut attendre le troisième épisode pour se surprendre à vouloir découvrir la suite) et s’embrouille dans une sous-intrigue inutile (celle opposant Tenax à sa nemesis), cette première saison se révèle donc dans l’ensemble réussie, ponctuée de quelques beaux morceaux de bravoure (le combat entre Kuame et le géant renvoyant à David contre Goliath, le combat final, la confrontation avec le lion...) et s’achemine vers un dernier épisode de toute beauté, son final annonçant à merveille les enjeux de la seconde saison.
Pour ceux qui affectionnent les péplums de qualité et qui se ionnent pour la Rome antique, le spectacle, a assurément de quoi les transporter durant quelques heures au coeur de cette grande époque, à peu près un siècle après l’avénement de l’Empire et un siècle avant le commencement de son déclin.