• SAISON 1 : Hawaï (8/10)
La création de Mike White s'installe dans un cadre paradisiaque et idyllique, simplement pour mieux contraster les personnalités paumées qui vont y séjourner. La réalisation excelle à nous plonger dans ce climat vacancier nonchalant et fortuit. La photographie est lumineuse, composant des cadres hâlés par les rayons du soleil. L'action reste constamment à l'intérieur de ce club pour touristes aisés, au bord des plages tropicales et des eaux turquoises ; l'océan s'étirant à perte de vue. De temps à autres, la culture polynésienne rappelle le contexte, notamment à travers la musique irrésistible de Cristobal Tapia De Veer qui mêle ses étrangetés aux chants traditionnels, en des morceaux complètement barrés ou d'autres plus aériens. Le compositeur apporte un savant mélange de sonorités qui confère tout son surréalisme à cette semaine de farniente, surtout dans l'agencement sur le montage qui résulte en des scènes incontournables.
Il s'agit avant tout d'une satire burlesque autour de l'argent et de l'opposition des classes sociales, s'extrapolant en quelques digressions ethniques sur les blancs privilégiés venant se prélasser au sein d'une culture pauvre, et sur la façon d'appréhender le quotidien et les soucis qui surviennent. La direction d'acteurs est phénoménale, et on peut affirmer sans mal qu'ils se montrent tous sidérants quand bien même plus de la moitié est détestables. Leurs conflits internes sont exquis, et composent brillamment cette galerie de la superficialité, du matérialisme et de l'hypocrisie, où seuls un ou deux personnages sont vraiment authentiques. Murray Bartlett, le directeur, est inimitable, la famille Mossbacher offre le bouquet de personnalité le plus explosif, entre la mère incapable de se déconnecter, le père en plein bouleversement existentiel, les deux ados pétasses bourgeoises, et le jeune frère geek trainé de force dans ce séjour. Les jeunes mariés Patton illustrent le clivage social entre ceux qui sont nés dans la haute, et les pièces rapportées. Enfin, Tanya, la riche héritière complexée et dépressive ajoute un grain de folie imprévisible à l'ensemble.
Les interactions et échanges entre toutes ces figures singulières sont des plus cocasses, offrant une multitude d'expressions et répliques succulentes de sarcasmes ; on se régale de les voir se er cordialement tout en retenant le fond de leur pensée. Cela dit, la série ne développe pas un angle particulièrement nouveau autour de ce genre d'individus, mais on ne rate pas une occasion de rigoler.
• SAISON 2 : Sicile (6/10)
À l'instar de la première saison, cette virée en Sicile commence avec un cadavre et reprend les évènements à rebours au cours d'un flashback d'une semaine de vacances. Mike White continue de faire séjourner ses personnages au White Lotus, mais change complètement le casting, à l'exception de Jennifer Coolidge. La thématique principale prend également une orientation différente, en mettant en avant les relations amoureuses et le sexe. C'est plutôt facile pour créer du subversif et des déviances, surtout que ça n'empêchait pas la saison précédente d'en glisser quelques scènes amusantes sans en faire sa figure de proue.
Il y a moins d'accroche immédiate avec les personnages, malgré un casting plutôt sympathique avec Theo James, Aubrey Plaza, Michael Imperioli, Haley Lu Richardson ou Will Sharpe. Tous les comportements tendancieux et excessifs semblent forcer et on peut noter un manque d'alchimie entre la plupart des rôles. Les deux couples qui partent en vacances contement sont d'ailleurs plutôt gênants. Et pour ceux qui s'enchantaient de voir le retour de Tanya McQuoid, le personnage semble avoir été pas mal réécrit tant on a du mal à reconnaître la loufoquerie attachante qui la caractérisait. Sa toxicité est, ici, agaçante. La trame de cette deuxième saison est plus stéréotypée et prévisible, usant de plusieurs clichés et de drama déjà vu. A contrario, les aventures à Hawaï étaient plus subtiles. Même le caractère volcanique des Siciliens ne parvient pas rendre les intrigues particulièrement intéressantes.
Tapia De Veer s'est adapté à ce nouveau setting et offre des compositions plus romancées et langoureuses, empreintes d'inspirations Classique européennes, mais sans se défaire de ses ondes acoustiques éthérées qui sentent bon les vacances insouciantes. On note aussi l'ajout de plusieurs chansons italiennes pour nous immerger davantage dans cette culture marquée par la mafia. C'est, de toute façon, davantage dans le cadre visuel qu'on apprécie de er cette semaine au club White Lotus. La photographie est toujours apaisante, au profit d'une mise en scène cocooning. Contrairement à la saison ée, on sort ici de l'hôtel pour visiter cette île pleine de charme et forte de son mélange d'architectures Baroque et méditerranéenne, et de paysages abrupts (avec l'Etna en fond). Le réalisateur joue beaucoup avec cette symbolique de l'art et des mouvements de la mer pour coller aux psychés perverties de cette nouvelle vague de bourgeois mentalement dépravés, mais sans autant de plaisir que la première fois.
• SAISON 3 : Thaïlande (5,5/10)
Après trois ans et l'impact de la grève des scénaristes, The White Lotus pose ses valises en Thaïlande, toujours sur le même concept d'y suivre différents touristes pendant leur semaine de vacances dans un hôtel luxueux. On ettra le cachet ajouté par le décor tropical luxuriant de ce centre de repos niché au cœur de la jungle. J'étais très enthousiasmé par ce setting exotique et la possibilité d'aborder d'autres thématiques liées à cette culture, cependant la saison a bien du mal à décoller. La famille principale est similaire à celle de la saison 1, les péripéties sont incongrues, et l'immersion locale demeure maigre. Le show continue de se reposer sur le malaise contemporain dans les interactions sociales et les dissensions entre les membres d'une même famille, au gré de relations amoureuses, amicales, fraternelles mises à rude épreuve. Il se dégage, bien trop légèrement, une thématique spirituelle à travers le comportement erratique de quelques personnages cherchant la complétude, une réponse à leur questionnement existentiel ou simplement une raison d'être heureux.
Le casting est pourtant qualitatif, avec Walton Goggins, Jason Isaacs, Michelle Monaghan, Sam Rockwell, Charlotte Le Bon, Patrick Schwarzenegger (et ses faux airs à Matthew Goode), et sauve une bonne partie de la saison, en plus de la touche musicale inimitable de Tapia de Veer, nous abreuvant de ses sonorités étranges illustrant l'absurde et la gêne des situations. Ses percussions tribales, son utilisation inusuelle d'instruments traditionnels, ses chœurs lugubres et les cris de la faune créent une cacophonie s'accordant à la débauche et perte de repères des résidents. Toutefois, les huit épisodes proposés allongent le rythme du séjour et lui font perdre de sa vivacité. Les aventures rocambolesques manquent alors de fluidité et ont davantage l’apparat d'une collection de saynètes et sketchs discutables. Soulignons également le montage chaotique qui trahit les nombreux cuts effectués sur un contenu tourné trop conséquent.