Adaptée du roman La servante écarlate (1985) de Margaret Atwood, cette dystopie a de quoi faire froid dans le dos : dans un futur que l'on imagine plus ou moins proche, les Etats-Unis se sont transformés en une société dans laquelle les femmes n'ont plus aucun droit et sont strictement soumises aux volontés patriarcales des hommes qu'elles doivent servir. On comprend rapidement que le pays a été mis à feu et à sang par une guerre civile meurtrière, mais également par des purges touchant les homosexuels mais aussi les "rebelles", c'est-à-dire toute personne allant à l'encontre du nouvel ordre établi.
Les femmes peuvent occuper trois fonctions différentes : épouses, servantes, ou - et c'est certainement le pire - simples outils de reproduction (n'ayant bien évidemment pas leur mot à dire dans ce qui leur arrive, sous peine de châtiments corporels et/ou psychologiques inévitables).
Le spectateur ne peut que contempler, muet (d'horreur), l'effroyable destin d'Offred, alias June dans une autre vie, qui appartient à cette troisième catégorie de femmes. Séparée de sa fille, contrainte de subir ce que je nommerai clairement des viols collectifs à répétitions, Offred garde néanmoins espoir - dans une certaine mesure - afin de survivre dans l'hostilité du monde qui l'entoure. Par ses yeux, le spectateur s'aperçoit alors de la cruauté de cette réalité dystopique, qui non-seulement effectue un retour effroyablement éiste en termes de droits humains, mais dans laquelle les citoyens sont également constamment surveillés et vivent dans la crainte des yeux.
S'il y a bien un message que cette série cherche à faire er, c'est bien le suivant : aucun droit n'est jamais acquis. Le féminisme, le combat pour l'égalité hommes/femmes ne saurait être réduit à la simple égalité salariale, et ne devrait jamais pouvoir être remis en cause sans que les masses se soulèvent. L'idée de la religion comme élément malsain et destructeur est également omniprésent au fur et à mesure des épisodes, puisqu'elle conditionne totalement les différents protagonistes, leur ôte toute liberté.
La violence est excessivement réaliste : elle s'exprime à la fois par les coups, mais également par la soumission, les flash-backs, les plans rapprochés. Cette violence est beaucoup plus mentale et suggérée que réellement montrée, et je l'ai perçue comme une véritable claque visuelle - imputable, peut-être, à une volonté de marquer durablement les esprits. La photographie, qui utilise souvent des tons pastels, plutôt doux, suggère l'ébahissement, l'incrédulité, elle témoigne d'un véritable contraste entre l'esprit d'Offred et la brutalité du monde qui l'entoure.
The Handmaid's Tale est pour l'instant une excellente série que je conseille aux amateurs de dystopies, mais aussi à tous ceux qui s'interrogent sur la remise en cause des droits des femmes ou des minorités en général. Dotée d'une excellente qualité d'écriture, d'un scénario qui tient la route et d'un très bon casting (dont Joseph Fiennes et Elisabeth Moss, mais également Samira Wiley, connue pour son rôle dans Orange is the New Black), il est clair que cette nouvelle série a toutes les cartes en main pour entrer dans le panthéon des dystopies intellectuelles, de celles qui fascinent et horrifient à la fois ; elle n'a clairement rien à envier à une oeuvre telle que 1984 - et lui rend même hommage à bien des égards.