The Corner
8.3
The Corner

Série HBO (2000)

Growing Up In The Hood

Cette mini-série est l’adaptation du livre-enquête écrit par David Simon et Ed Burns The Corner: A Year in the Life of an Inner-City Neighborhood. Le premier est aussi à la création, mais avec David Mills, ce sont deux journalistes de la ville de Baltimore, lieu où se déroule les faits. Ils nous relatent le quotidien de Lafayette Street, un ghetto noir au début des années 90, à travers la vie de la famille McCullough détruite par la drogue.


Charles S. Dutton est à la réalisation. Il ouvre et ferme chaque épisode en s’adressant à la caméra, ou en faisant intervenir des gens du quartier, en les interrogeant sur leurs vies. Cela confère un côté documentaire, en nous plongeant au plus près de cet enfer sur terre. L’histoire est réelle, ce qui l’a rend encore plus effrayante. Les acteurs se mêlent à cette communauté, accentuant le réalisme des événements. Dès sa première apparition, Charles S. Dutton, rappelle qu’il n’y avait que cinq prisons dans l’état du Maryland, avant que la drogue envahisse les rues. Maintenant, elles sont au nombre de 28 et pourtant, les coins de rues n’ont pas disparu, le problème est toujours là. La répression n’étant pas une solution, mais un pansement, sur un problème plus profond.


On va faire la connaissance de Gary McDonnough (T.K. Carter), un homme sans emploi, vivant dans le sous-sol de ses parents et dont le quotidien se résume à trouver l’argent, pour s’offrir sa dose de crack. Par le biais de flashbacks, on découvre son é, tout comme celui du quartier, où la vie semblait plus agréable. Il avait une bonne situation, une maison, une femme et un fils, avant de tomber dans la drogue. Ce fléau venu des tours, avant d’envahir les rues et détruire familles et vies. « Une vie de chien », c’est comme cela que Gary parle de lui. Il écume les maisons abandonnées et décharges, pour trouver du cuivre et le revendre, tout en pensant à d’autres moyens d’avoir des dollars dans ses mains, avant que cela finisse dans ses veines. De l’argent difficile, pour une vie, qui l’est tout autant.


En le suivant dans les rues de Baltimore ouest, où se côtoient les dealers et drogués, on découvre la dure réalité de ses habitants. Ils sont abandonnés à leur sort. En-dehors des descentes de police quotidiennes et des blancs venant prendre leurs doses de coke, personne ne s’aventure dans leurs quartiers. Les coins de rues sont aux mains des dealers, des points stratégiques convoités par les locaux, comme par ceux venant de New York. Chaque jour, une bagarre ou un coup de feu se fait entendre, pour s’approprier le coin ou le garder. C’est une guerre sans fin, la police semble impuissante face aux profits générés par la vente de la drogue, où les vendeurs sont des adolescents. L’argent facile est attractif, une manière d’améliorer leurs vies, d’aider leurs parents, de vivre au lieu de survivre. Mais avec autant de dollars dans les mains, ils prennent le pouvoir face à leurs parents, souvent aux chômages. Ils ont grandi trop vite, ne respectent ni l’autorité parentale, ni policière. Ils ont quitté l’école, le dollar est devenu le seul moteur de leurs vies.


Dans chaque épisode, on va découvrir un nouveau membre de la famille McDonnough. DeAndre McCullough (Sean Nelson) est le fils, pris entre le désir de s’en sortir et celui de l’argent facile. Il n’a aucun repère, ni exemple. Ses parents sont des drogués, il est seul face à la rue et pour un adolescent, comment résister aux tentations, que ce soit les filles ou les dollars ? Pour la police, c’est un dealer et rien d’autre. Alors que c’est avant tout un être humain, avec ses qualités et ses défauts. Il y a du talent dans ses mains, on le découvre à travers ses écrits. Il n’est pas le seul, mais dès le départ, les dés sont pipés.


Mais en ce lieu de perdition, il y a le centre social de Mlle Ella (Tyra Ferrell), un endroit où les enfants et adolescents peuvent échapper, temporairement, à la difficulté de leur quotidien. Elle porte sur eux un regard rempli de tendresse, une femme forte qui a foi en eux et tente de les éloigner de la rue, par le sport et les arts. Tout le monde la respecte, enfants comme adultes. Elle a choisi de rester dans le quartier, de se battre pour eux et non, contre eux. Une différence énorme, en ne les stigmatisant pas, mais en essayant de faire ressortir le meilleur de chacun. Ils ne sont pas nés dealers, drogués ou gangsters, ils le sont devenus par défaut, choix ou influences. Elle est la lumière, dans l’obscurité de leurs vies, une main tendue. Mais on en revient toujours au même point, comment lutter contre le dieu dollar ?


Fran Boyd (Khandi Alexander) vient compléter ce sombre tableau. Une mère tiraillée entre la drogue et ses fils, voulant leur réussite, mais aussi sa dose de crack. Son é commun avec son mari Gary McDonnough, où leur vie était heureuse, ou du moins confortable, resurgit parfois, apportant un peu de couleur dans la grisaille de leur présent. Au fil des épisodes, on découvre comment ils en sont arrivés là et comment le quartier a évolué. Cette descente aux enfers est liée à la dégradation de Baltimore ouest, devenant un ghetto noir, dans un pays soit disant évolué. Une situation dont ils ne semblent pouvoir s’échapper, ni leurs familles, ni leurs amis, ne les aident, bien au contraire. C’est une spirale sans fin, ils ne peuvent faire confiance à personne. Les arnaques et humiliations font parties de leur quotidien, seule la drogue leur permet d’oublier leur condition de vie inhumaine.


Baltimore se bat avec Washington pour le titre, peu glorieux, de capitale du crime. Les récents événements avec le décès de Freddie Gray et les émeutes qui ont suivi, démontrent la violence qui règne dans cette ville, qu’elle soit des mains de la justice, ou pas. Un constat effrayant de la condition de vie des noirs aux États-unis, dont The Corner montre la face cachée, celle d’une population abandonnée comme la ville, d’un combat sans fin face à la drogue et ses ravages.


En tant que journalistes et policiers, ils mettent leur expérience au service de l’histoire, en faisant une étude sociologique de cette ville et de ses habitants. La qualité de la série a été récompensé par trois Emmy Awards en 2000 : meilleure mini-série, meilleur réalisateur pour Charles S. Dutton et création pour David Simon et David Mills. Pourtant, elle reste confidentielle, malgré sa grande qualité, on s’attache à ces personnes, on ressent leurs douleurs, en espérant un avenir meilleur pour eux, c’est très fort émotionnellement et humainement.

10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Top 10 Séries

Créée

le 14 mai 2015

Critique lue 584 fois

3 j'aime

Laurent Doe

Écrit par

Critique lue 584 fois

3

D'autres avis sur The Corner

Entre shoot orgasmique et perte de dignité

Suite à une remarque de son éditeur, lui conseillant d'aller observer un coin de rue à Baltimore, pour écrire son prochain livre, David Simon livre The Corner: A Year in the Life of an Inner-City...

Par

oso

le 6 juil. 2014

32 j'aime

2

The Corner
10

Into the ghetto

2 ans avant The Wire, la série qui est considérée à juste titre comme l'une des meilleures de la télévision, David Simon et Ed Burns qui avaient écrit un livre s'intitulant The Corner: A Year in the...

le 7 juil. 2016

26 j'aime

5

Donner un visage et une voix à ceux qui n'ont plus rien

Malheureusement, l'histoire a voulu que le vrai DeAndre (qui interprète Lamar, le garde du corps de Mouzone dans The Wire) meurt l'année dernière d'une overdose...

Par

le 30 oct. 2013

21 j'aime

Du même critique

Dans l'ombre de John

Ce film me laissait de marbre, puis les récompenses se sont mises à lui tomber dessus, les critiques étaient élogieuses et le genre épouvante, a fini par me convaincre de le placer au sommet des...

le 4 févr. 2015

64 j'aime

7

La playlist estivale d'Edgar Wright à consommer avec modération

Depuis la décevante conclusion de la trilogie Cornetto avec Dernier Pub avant la fin du monde, le réalisateur Edgar Wright a fait connaissance avec la machine à broyer hollywoodienne, en quittant...

le 20 juil. 2017

56 j'aime

10

Triple F : Fun, Frais & Fou.

Enfin! Oui, enfin une comédie française drôle et mieux, il n'y a ni Kev Adams, ni Franck Dubosc, ni Max Boublil, ni Dany Boon et autres pseudos comiques qui tuent le cinéma français, car oui il y a...

le 16 avr. 2014

52 j'aime

8