Éon est le dieu grec de l’éternité, affilié au temps illimité, par opposition à Chronos, le dieu titan qui laisse un trace dans le temps é, présent et futur. En extrapolant les notions émanent de ces deux entités, on obtient le "Kairos", qui est le temps du moment opportun. Celui-ci qualifie un intervalle ou une durée précise, importante, voire décisive. C'est ce qu'on appelle plus simplement l'instant T. Ici un instrument du quotidien va faire office de pont dans le Kairos. Mais comment l'utiliser au mieux pour établir un lien, qui laisse certes, un chance de modifier sa destinée pour rétablir l'ordre des choses, mais dont les conséquences peuvent être irrévocables et mortelles si mal interprétées?
Kim Seo-Jin (Shin Sung-Rok) est le directeur d'une grande entreprise de BTP, dont le PDG a fait sa carrière. Il a une belle vie avec Kang Hyun-Chae (Nam Gyu-Ri) et leur fille Da-Bin. Mais son monde s'écroule lorsque la petite est kidnappée. Il sombre dans un profond désespoir quand il apprend par la police que les ravisseurs l'ont probablement tué. Il reçoit alors un appel mystérieux de Han Ae-Ri(Lee Se-Young) qui lui dit qu'il utilise le téléphone qu'elle a égaré. Croyant à une mauvaise blague, il raccroche. Le malheur continue car Hyun-Chae se suicide par chagrin. Mais Ae-Ri insiste et lui fait part d'éléments troublants. Tous les deux, après bien des interrogations, en viennent à la conclusion irréelle et totalement impossible qu'ils peuvent communiquer à travers le temps, à 24 h d'intervalle, durant 1 minute, et toujours à 22h33,(heure miroir) mais à un mois d'écart. Le présent? On s'en fou, seul le é et le futur comptent désormais.
Tout cela est juste le prélude à un récit palpitant, une aventure ponctuée de nombreux rebondissements et de fausses pistes. Le début est à la fois glauque et malsain. Mais au fil de l'histoire, c'est une véritable machination qui va se dévoiler. A la moitié du drama, on se dit, super, ils ont fait tapis et après on va faire quoi des 8 épisodes suivants? C'est justement le moment choisi pour accélérer la narration et muscler la mise en scène. Car les temporalités vont se chevaucher à un rythme effréné, le tout sans aucune gène ni compréhension. Pourquoi ? Tout simplement parce que lorsque nous suivons les protagonistes dans le é, la photo intègre un léger filtre jaune, et pour le futur, un léger filtre bleu. De plus, les dates seront toujours indiquées à l'écran. Bref, on est jamais perdu et on en veut toujours plus. On arrive plus à décrocher car on veut savoir à quelle sauce nos héros vont être mangés dans la scène suivante.
Ce qui est génial, c'est lorsque le Seo-Jin du futur transmet des informations à la Ae-Ri du é, ils les utilisent pour logiquement modifier à leur avantage des situations qui pouvaient sembler désespérées. Le futur s'en trouve donc modifié et on utilise des subterfuges visuels pour remettre du contexte. Egalement, les personnages qui ont eu accès au smartphone, vont percevoir des échos de leur é, puisque ils intègrent des souvenirs qu'ils n'avaient pas. Enorme! C'est toute la temporalité qui va ainsi être modifiée : le é bien sur, mais aussi le présent et le futur. Sans spoil, des vivants vont mourir, puis ressusciter ou ceux qui devaient mourir vont y échapper. C'est une véritable course à la vie à la mort qui va s'opérer durant toute la seconde partie de la série, et sans une seule fausse note, qui est absolument de toute beauté.
Kairos est à la fois un thriller, un polar et un drame avec une tension palpable à chaque instant. C'est une histoire prenante et insoutenable avec des personnages complexes, torturés, et superbement écrits. Il n'y a aucun manichéisme ici, aucune facilité dans l'écriture. Le scénario est imparable. Sur la réalisation, la photographie et le jeu des acteurs, il n'y a rien à dire, y'a même des moments où j'ai versé ma petite larme. Même les effets musicaux sont angoissants quand il le faut. C'est de l'émotion et de la tension à chaque instant. Toute l' histoire se décante au fur et à mesure, rien n'est du au hasard et on aura droit à toutes les explications vers la fin. On est jamais dans le flou et on s'accroche à chaque virage scénaristique, car rien n'est joué d'avance. Pas de ton condescendant ici, nos héros jouent sur le registre de l'humilité.
On apprend ainsi que nos 2 héros ont un lien avec le é, et que le téléphone qui relie Seo-Jin à Ae-Ri sur 2 temporalités à un mois d'écart, n'est pas le fruit du hasard: le Kairos trouve sa source lors de l'effondrement de l'immeuble il y a 19 ans, et repose sur des circonstances particulières, forgées lors de la rencontre fugace entre 2 hommes.
Honnêtement ça faisait très longtemps qu'une série ne m'avait pas autant séduit par sa construction magistrale, et du début à la fin c'est un sans fautes. Et quand il s'agit de mêler des temporalités, je suis sans pitié si il y a des failles dans le scenario comme dans Tunnel ou Signal(coucou les talkie walkie). Kairos est avant tout un voyage temporel pour réhabiliter la mémoire d'hommes sacrifiés sur l'autel de la cupidité. Les pourris et les gentils ne sont pas toujours ceux que l'ont voit au premier abord. Vous allez aimer détester certains personnages. La conclusion est celle qu'il fallait, quoique j'aurais bien aimé une toute fin à la "Inception" si je chipote un peu (si vous avez la référence vous saurez de quoi je parle).
Main Theme : Kang Seung Yoon - Can You Hear Me
Additionnel OST : Hajin - Own Pain