J'aime énormément Jolyne, c'est un personnage attachant, au design excellent, qui synthétise les traits les plus remarquables de ses prédécesseurs (l'héroïsme de Jonathan, l'astuce de Joseph, le tempérament de Jotaro, l'humanité de Josuke, le jusqu'auboutisme de Giorno). C'est un des rares protagonistes qui donne la focalisation du récit, puisque les précédentes parties utilisaient plutôt une focalisation externe ou à la troisième personne, et du coup, on se sent proche d'elle. Et en fait, j'adore l'univers de Stone Ocean, un monde sans règle bourré de personnages charismatiques. C'est tellement dommage alors que cette troisième partie de saison correspond aussi, comme dans le manga d'ailleurs, à une baisse de qualité nette.
En fait la baisse a été tellement nette et violente que les fans ont spéculé sur les raisons. Une théorie récurrente, portée par des indices donnés par Araki (il a peut-être été plus clair par après, j'avoue que je ne me suis pas redocumenté sur le sujet depuis longtemps), est que le mangaka a subi des contraintes d'écriture qui l'ont frustré et qui l'ont poussé à un peu massacrer le projet pour enterrer sa saga et se lancer dans un autre projet (qui s'avéra être une nouvelle mouture de JoJo sans la contrainte d'être classifié shonen et d'être du coup soumis à des codes très rigides). Un indice bien connu de ça, c'est la transformation du personnage d'Anasui, qui était nettement dessiné comme une femme dans sa première apparition et qui d'un coup est devenu un homme quand Araki a commencé à lui donner plus d'importance dans l'intrigue (et sans doute quand il a dû expliquer à l'éditeur que ça allait être le love interest de Jolyne). Quand l'intrigue interne à la prison arrive à sa conclusion, on sent une nette baisse de rythme et de qualité d'écriture. Alors que tout pointe vers une réincarnation de DIO, ou en tout cas à son retour d'une manière ou d'une autre dans l'intrigue, finalement tout le build-up retourne sur l'antagoniste premier de l'intrigue, Pucci, qui sort de son chapeau de nouveaux hommes de main à travers les "enfants de Dio", trois ratés qui s'ouvrent à leur destin de Stand et se jettent à la poursuite de Jolyne. Si l'idée n'est pas mauvaise, l'exécution semble raccommodée, approximée, un peu comme si Araki avait réorganisé les éléments de l'avant-dernier acte de son intrigue pour amorcer une nouvelle conclusion. On sait que ce genre de réécritures ne font pas peur au mangaka, lui qui avait teasé dans la partie 4 un Josuke voyageur temporel qui a fini par devenir une fausse piste puisque la fin de la partie est allée dans une autre (et franchement plutôt bonne) direction. La partie 3 semble également avoir été largement étendue dans la dernière partie, celle en Egypte, avec une toute nouvelle flopée d'ennemis complètement géniaux qui ont fait virer le ton de la partie encore plus loin dans l'absurde. On peut aussi parler des modifications visiblement tardives dans l'intrigue de la partie 5, comme le départ de Fugo du groupe de personnages principaux, ce qui était au final une bonne décision car Araki ne trouvait visiblement pas quoi en faire, notamment au niveau de son pouvoir (bien trop puissant pour être réutilisé en combat).
Sauf que cette fois, pour la partie 6, la réécriture est beaucoup moins élégante. S'il y a une certaine poésie dans ces trois enfants perdus (auxquels on peut rajouter Weather Report) que le destin et le hasard ont rendu maitres de pouvoirs tout aussi fatidiques et hasardeux, liés à des théories conspirationnistes et à l'imaginaire alors que les pouvoirs des Stands sont habituellement beaucoup plus liés à la manipulation du réel, on s'ennuie aussi énormément, car les révélations promises n'arrivent pas, la rigueur formelle qu'on a pu ressentir durant l'arc prison et l'arc haute sécurité n'est plus là, on se tape juste une série de nouveaux affrontements avares en rebondissements originaux qui servent juste à justifier de ne pas trop perdre Pucci de vue pendant qu'il se rend à Cap Canaveral. L'arrivée là-bas est quant à elle nettement plus marquante, avec la gravité qui part en live, mais la qualité redescend brutalement alors que le Stand de Pucci atteint sa forme finale et qu'on atteint la vraie conclusion. Tous les personnages intéressants sont morts depuis longtemps, le Anasui définitif est détestable presque tout du long, et la grandiose saga Jonathan-Dio se conclut sur une destruction totale des enjeux.
En fait, ce que je déplore surtout, c'est que le personnage principal n'a pas eu droit à une belle conclusion, à l'opposé de tout le monde sauf Jonathan avant elle. Là où la partie 5 est conçue comme un road movie où les relations entre les personnages sont certes intéressantes mais relativement unidimensionnelles (c'est pas une critique, c'est lié à la durée réduite de l'intrigue et au ton général, et ça fonctionne plutôt bien), la partie 6 a été le théâtre de beaucoup d'allers-retours, de l'élaboration de liens complexes et intéressants. Évidemment si on part sur l'hypothèse d'un sabotage à cause de contraintes, on comprend mieux pourquoi Araki n'a fait aucun effort pour faire évoluer nettement Anasui, pourquoi il s'est débarrassé si vite de Weather Report et FF, pourquoi tout le travail de caractérisation d'Ermes (qui est un des axes centraux de l'intrigue pendant une grosse portion de la partie) ne mène au final à rien. Difficile de donner une bonne conclusion à un groupe qui n'est pas celui qu'on voulait écrire. On comprend mieux aussi pourquoi l'arc des enfants de Dio ressemble plus à une série de fillers à la qualité en-deçà du reste qu'au build up vers le climax de l'intrigue qu'il aurait vraisemblablement dû être : si l'intrigue initiale était bien censée être la résurrection de Dio ou en tout cas le retour de sa volonté d'une manière ou d'une autre dans l'intrigue, avoir ses enfants naturels comme fidèles lieutenants et vraies menaces aux pouvoirs encore plus bizarres que d'habitude, ça aurait été parfaitement logique et ça aurait fait de tout cet arc une transition logique et plutôt tendue vers le dénouement.
Allons-y de ma théorie perso : Pucci devait arriver beaucoup plus rapidement à Cap Canaveral, le rituel de relance de l'univers aurait permis à Dio d'avoir dans le é une précognition de sa chute et de survivre pour arriver au présent de Jolyne, où il aurait tué ou asservi Pucci car trop dangereux pour ses plans, Jotaro serait probablement mort héroïquement à un moment car Dio l'aurait identifié comme la menace principale grâce à sa connaissance de ce qui s'est é dans le premier univers en Egypte, et là il aurait envoyé ses enfants sur Jolyne qu'il sous-estime. Anasui et Weather Report, qui retrouve alors la mémoire et devient un des seuls êtres capables d'affronter Dio, joignent Jolyne, Ermes et peut-être même une FF survivante pour un affrontement final dont certains ne reviennent pas. (bon là c'est juste ma fin à moi mais je trouve ça rigolo) Dio fou de rage et ayant trouvé un moyen de s'approprier le pouvoir de Pucci relance un nouvel univers et décide carrément d'éliminer Jonathan avant qu'il puisse devenir une menace pour lui et ainsi détruire toute chance pour la lignée Joestar de l'affronter, mais il n'a pas compté sur le fait que Jonathan a lui aussi acquis les connaissances des univers précédents, et il l'élimine avant qu'il ne puisse faire du mal à son chien Danny, avant qu'il n'assassine son père, avant qu'il se transforme en vampire, car Dio a besoin de pouvoirs surnaturels pour être puissant, alors que Jonathan n'a besoin que de sa valeur, l'épée PLuck qui symbolise plus tard sa force de caractère n'étant qu'une représentation de ce qu'il a déjà dans le coeur (et osez me dire qu'Araki n'aurait pas pu écrire une telle mièvrerie). L'univers reprend son cours, les protagonistes ont tous le souvenir des univers précédents mais vivent sans la menace de Dio, et la saga Jonathan-Dio se conclut pour de bon mais sans que les personnages soient effacés.
Évidemment, ce n'est qu'une supposition, et au final, que ce soit vrai ou non qu'Araki ait altéré sa fin (bien que ça soit très probable, ne serait-ce que parce qu'il n'a clairement jamais eu peur de le faire par le é), que la "vraie" fin ressemble de près ou de loin à celle que j'ai improvisée ou non, le constat reste le même : cette troisième volée d'épisodes pour la partie 6 est une grosse baisse de rythme et de qualité d'écriture malgré des concepts d'affrontements intéressants. En soi même si la conclusion n'est pas à la hauteur du world-building et de la caractérisation des personnages de cette partie, le reboot ne me dérange pas tant que ça et JoJo, tant en manga qu'en anime, reste vraiment un incontournable, un ovni qui ne ressemble à rien d'autre et qui est divertissant et stimulant autant dans ses moments forts que dans ses ratés. Mélange bâtard entre renouvellement amoureux du genre fantastique et série Z nanardesque parfois assumée, parfois pas, le manga d'Araki montre la patte d'un auteur qui n'a pas peur de proposer une vision bien à lui, et la partie 6, malgré (et un peu grâce à) ses défauts, ne démérite pas à ce niveau.