• SAISON 7 (7/10)
[Critique du 03 juillet 2023]
Charlie Brooker semble avoir pris en compte les retours des spectateurs quant à son orientation plus surnaturelle de la saison précédente et propose 6 nouveaux épisodes exclusivement voués à la technologie, même si elle y prend parfois des tournures un peu capillotractées pour servir des trames Fantasy/SF. La thématique commune qui se dégage de cette septième saison est son regard porté sur le é, soit d'une nostalgie un peu rétro qui influence tout un univers, ou bien de la rancœur, ou l'amertume, de personnages qui vont de nouveaux gadgets au gré de leurs états d'âme. On y retrouve également de nombreux clins d’œils à des épisodes précédents et, à plusieurs reprises, l'utilisation de technologies ou des concepts déjà vus mais dans une tournure différente.
L'évidence du regard dans le rétro tient à la suite de l'épisode USS Callister (de la saison 4), très fan-service mais habilement menée avec son casting brillant et le développement de son univers qui aurait sans conteste mérité une série à part entière (ce qui était prévu avant la grève des scénaristes). Autrement, l'épisode 5, "Eulogy", offre un récit touchant où une IA aide Paul Giamatti à revisiter ses souvenirs d'une ancienne petite amie décédée. On se laisse happer par l'émotion et la douceur de la mise en scène, rappelant régulièrement Her dans les interactions avec la conscience virtuelle. Les effets visuels pour explorer les anciens clichés sont chouettes et la présence technologique complimente merveilleusement le cœur de l'histoire. C'est à mon sens l'épisode ayant le mieux assimilé l'essence de Black Mirror, sans pour autant vilipender ces gadgets futuristes - cette nuance est appréciable. Pour davantage ressentir le malaise des débuts de la série, "Plaything" est plus approprié avec sa froideur visuelle et son vertige psychologique situés dans la même réalité que le film interactif Bandersnatch.
Le haut du panier est donc en fin de saison, et les trois premiers épisodes s'avèrent plus faciles, voire fantaisistes et s'éternisent souvent trop pour leur propre bien. Par exemple, le caractère touchant de l'épisode 1 et son propos critique des services de streaming et de la monétisation de la stupidité est quelque peu entaché par la prévisibilité de ses péripéties ubuesques, et répétitives. "Bête Noire" rappelle pas mal l'épisode avec Miley Cyrus, pour cet esprit drama Disney d'une Carrie quantique. Un court-métrage aurait suffit pour cette histoire moins peaufinée et sans grand ressort scénaristique. Enfin, "Hotel Reverie", avec son idée d'IA recréant des vieux films en y insérant de nouveaux acteurs, est très actuel et adopte une mise en scène attrayante répliquant le style du cinéma des années 40. Toutefois, la durée d'1h15 et le script jonché de séquences niaiseuses, typiques du téléfilm bon marché, font défaut à cette histoire aux airs de "San Junipero".
• SAISON 6 (6/10)
[Critique du 03 juillet 2023]
Il aura fallu 4 ans à Charlie Brooker pour concrétiser ces 5 nouveaux épisodes. Et, puisqu'il et que la thématique initiale de la série ne l'inspire plus, il aurait gagné son temps à partir sur un autre projet. En effet, il a voulu changer d'approche, écrire sur de l'horreur classique, et ainsi nous faire croire que la série a toujours traité des vices de l'humanité plutôt que de ceux de la technologie. D'où le sous-titre "Red Mirror" du dernier épisode, qui aurait pu s'appliquer à, au moins, deux autres et aurait mérité un spin-off comme Ryan Murphy l'a fait avec American Horror Story. Les histoires en question y auraient été certainement mieux reçues plutôt que de subir la comparaison avec ce que le spectateur s'attend à voir dans Black Mirror.
Car, en elles-mêmes, ces intrigues plus horrifiques ne sont pas mauvaises, et concurrencent sans mal la plupart des épisodes de Le Cabinet de Curiosités, notamment "Demon 79" : une comédie noire rétro surnaturelle où un démon requiert trois meurtres pour éviter l'apocalypse. On apprécie le ton décalé et l'ambiance visuelle. Virant au scénario de monstre, avec un sous-entendu social pataud, "Mazey Day" e à côté de son thème voyeuriste pour un vulgaire survival sanguinolent. Dans "Loch Henry", la trame est vraiment sur la limite de l'aspect technologique avec ce documentaire sur une histoire sordide d'une bourgade écossaise. Il en ressort davantage une horreur psychologique et sociale où, à l'instar d'un Night Call, ou même de Dahmer, le sensationnalisme médiatique se nourrit du drame.
"Joan Is Awful" tacle aussi le divertissement télévisuel, en étant plus dans l'esprit du show puisqu'il aborde l'intelligence artificielle, les traces numériques, et le comportement écervelé de la société. Dans un pied-de-nez aux multivers du grand écran, les 10 dernières minutes prennent une tournure exubérante et renvoient à Westworld ou encore "Hang the DJ". Enfin, "Beyond the Sea" a, pour ma part, davantage sa place chez Love, Death & Robots, offrant tout de même un conte SF dramatique, un peu long (1h20) pour ce qu'il raconte. On peut y trouver un peu de Peripheral dans cette connexion mentale entre les astronautes en mission et leur contrepartie androïde restée sur Terre. C'est bien réalisé et interprété, mais le dénouement final tarde et ne se montre pas aussi vicieux qu'aurait pu l'être un scénario qui fait intervenir gratuitement une simili-famille Manson. Cette nouvelle fournée laisse donc une impression de lassitude de la part de Brooker, qui prend un peu le spectateur en otage de ses envies d'écrire pour d'autres genres.