Alain Chabat qui revient, près de 23 ans après le cultissime Mission Cléopâtre, à l’univers d’Astérix ? Moi, je signe tout de suite…
Bon, évidemment, il y a deux différences majeures avec son œuvre antérieure : la première, c’est que l’ensemble adopte le format d’une mini-série ; la seconde, c’est que cette fois, tout e par l’animation en 3D.
Concernant ce choix technique, il faut bien reconnaître que le Monsieur s’est entouré des meilleurs (notamment l'équipe du studio d'animation toulousain TAT !). Il suffit de voir comment il parvient à mettre en images ses nombreuses idées, à la fois visuelles et narratives, et comment le rendu est soigné, particulièrement dans la gestion de la lumière et la profondeur de champ, tout en restant fidèle à l’univers d’Uderzo et de Goscinny.
Et sur cette fidélité, justement, on retrouve ce qui faisait le sel des bandes dessinées et de Mission Cléopâtre : une avalanche de références — par l’image ou les répliques — à la culture générale, à la pop-culture ou à notre société contemporaine. Ça gicle de partout. Je ne vais pas commencer à les énumérer, sinon j’y erais des jours — et puis, le mieux, c'est de découvrir et d'identifier par soi-même. Cela contribue à rendre l’ensemble aussi attrayant pour les adultes que pour les enfants. C’était l’une des forces de l’immense René Goscinny. Et en irateur sincère, Alain Chabat l’a parfaitement compris ainsi qu'intégré.
Alors, Le Combat des chefs se compose de cinq épisodes d’environ 20 à 25 minutes chacun, si on enlève le générique de fin, qui lui s’étale sur dix bonnes minutes (ah oui, ne zappez pas trop vite le dernier, une fois celui-ci terminé : sautez le générique si vous le voulez, mais, après, il y a un petit bonus post-crédit !). L'air de rien, le tout cumulé, on aurait pu atteindre la durée d’un long-métrage classique, mais visiblement, les exécutifs de Netflix se sont dit que les plus jeunes spectateurs possèdent la capacité d’attention d’un poisson rouge sous somnifère.
L’épisode d’introduction est comme un préquel, vu qu'il explore la jeunesse de nos deux héros. Ce qui n'est pas superflu, car il introduit des éléments qui auront leur utilité par la suite. Ensuite, parsemé de quelques références à d'autres albums et de pas mal de nouveautés, Chabat adapte globalement l’album du même nom, tout en y greffant l’intrigue du film Astérix et le Coup du menhir. Heureusement, le réalisateur réussit suffisamment à s'éloigner visuellement et narrativement de ce dernier pour ne pas faire trop redite. Et surtout, les deux récits s’imbriquent bien, sont interdépendants l'un de l'autre, sont menés d'une manière fluide et cohérente.
C’est bien formidable tout ça. Mais il y a un souci — loin d'être négligeable. Dans Mission Cléopâtre, Chabat avait placé une bonne partie de ses potes dans le casting. De ce qui aurait pu être facilement un défaut résulte une qualité, car le réalisateur veillait toujours à ce que ses copains aient chacun un rôle à leur correspondre parfaitement et que la présence de ce rôle paraisse couler de source dans l'histoire. Là, en changeant de format, il semble avoir sous-estimé un détail important : être comédien de doublage est un métier bien différent qu'être comédien tout court. On peut assurer à fond devant une caméra tout en étant une patate dans le doublage et inversement. Certes, il y a des artistes qui sont à ce point pleinement accomplis, qu'ils réussissent dans les deux domaines, mais c'est loin d'être fréquent.
Dans ces exceptions, je citerais Laurent Lafitte en Jules César, Jérôme Commandeur en maman de Jules César ainsi qu'en commentateur de combat, d'une drôlerie pas si loin de notre réalité télévisuelle, Géraldine Nakache en Bonemine et Jeanne Balibar en Apothika. Voilà, c’est tout.
Pour les autres, dans une très large majorité, c’est lisse, sans caractère. À tel point qu’on en vient presque à se dire qu’une IA aurait pu faire aussi mal le boulot. Et dans quelques cas, c’est encore pire : la personnalité de l’acteur déborde complètement et écrase le personnage qu’il est censé incarner. Jamel Debbouze, par exemple, qui fait du Jamel Debbouze. Heureusement, son rôle est très secondaire. Malheureusement, ce n'est pas le cas pour Thierry Lhermitte en Panoramix. L'erreur de casting monumentale. Oubliez le vieux sage vénérable, Lhermitte le joue comme s'il était dans Les Bronzés ou dans Le Père Noël est une ordure. C'est à peine si je ne m’attendais pas à entendre le druide souvent lâcher un "c’est cela, oui, c’est cela !". Sans parler qu'il a une intonation bien trop jeune.
Quant à Astérix et Obélix. Pour le premier, Alain Chabat ne convainc pas. Il donne l'impression que son personnage est assez apathique, alors qu'il est supposé être, au contraire, très énergique. Je ne vais même pas le comparer à Roger Carel, la légende absolue du doublage francophone — l’écart est trop abyssal pour ça. Non, je vais me contenter de mettre en avant que Christian Clavier, dans Le Secret de la potion magique, s'en était sorti avec tous les honneurs dans l'exercice très casse-gueule de prêter sa voix au petit Gaulois, tout en succédant directement au grand et au définitivement indéable Carel. Pour Obélix, Gilles Lellouche fait de son mieux, mais, pour me répéter... c'est lisse, sans caractère. Les seuls à avoir atteint l'excellence, en doublant le livreur de menhir enrobé, ce sont Jacques Morel et Pierre Tornade. Depuis, personne n'est parvenu à donner du corps à ce sidekick.
Ah oui, autrement, seul point négatif pour ce qui est de l'écriture : j'ai trouvé que l'évolution psychologique du personnage de Metadata était bâclée, assez mal développée, changeant trop par à-coups pour être crédible, partant un peu trop du principe que comme c'est une fille, elle est forcément douce et gentille, même si elle sert, dans un premier temps, les antagonistes.
Bref, pour en revenir à la question du doublage, je me suis longuement attardé dessus, mais je n'ai pas la volonté de donner l'impression que ça fait baisser drastiquement la qualité d'ensemble. C'est juste que ça empêche que cette mini-série -- se regardant avec beaucoup de plaisir, sans la plus petite microseconde d'ennui, avec les superbes qualités que j'ai mentionnées précédemment -- d'être aussi mémorable et enthousiasmante que cela aurait pu l'être.