Quel beau sujet que celui de l'immortalité, Greg Egan nous propose avec Zendegi de le traiter dans un cadre technologique. Puis-je accéder à une certaine forme de postérité en me transférant dans une machine ?
Dans un Iran où un soulèvement populaire réussit après les manifestations de 2009, le pays n'est pas apaisé pour autant. Les démocrates laïques qu'on imagine proches des moyens technologiques modernes finissent par prendre le pouvoir et réorganiser la société civile sur le modèle occidental. Les groupes religieux évincés du pouvoir perdurent et l'Iran reprend une place dans l'échiquier mondial malgré une société sous tension mais qui avance enfin. Servant quasiment d’introduction, cette première partie est très distincte de la seconde où le thème de l'immortalité devient évident. Les deux héros Martin le reporter et Nassim la scientifique malgré leurs objectifs et destins très différents finissent par faire cause commune autour de ce sujet.
Laissons de côté les aspects purement techniques, et un peu lourds, chers à Greg Egan, c'est à l'entame de la seconde partie du roman que les pièces du puzzle patiemment amenées par l'auteur commencent à se réconcilier et que l’histoire captive. Dans la plupart des romans lorsqu'on alterne entre les destins de deux personnages il ne faut pas longtemps pour que les deux se rencontrent et que l'aventure commune débute. Dans Zendegi, c'est la grande disparité des vies de Martin et Nassim qui fait que leur assemblage final est si intéressant. Au sujet des personnages d'ailleurs, le fait que les deux héros ne soient pas de jeunes et beaux aventuriers est aussi très rafraîchissant. Ils prennent de l'âge entre les deux parties. Leurs idées et leurs réactions changent en même temps qu'ils mûrissent.
L’environnement dans lequel évoluent les deux personnages principaux participe à créer une atmosphère qui sent bon le conte oriental, mes clichés ont la vie dure. L'Iran et sa révolution qui réussit accompagnés par une aventure technologique font sortir le conte de son cadre pour plonger dans la modernité. Ça fait du bien de lire une vision optimiste du destin possible d'un pays musulman.
Malin et très intelligemment construit, le roman fourmille de petites scènes ou discussions qui semblent anodines mais qui ne le sont pas (la discussion sur la numérisation de la collection de disques vinyles). Bien que j’aurai préféré une construction plus centrée sur le sujet de l’immortalité, la mise en place que constitue la première partie est franchement trop lente. Mais en considérant le roman dans son ensemble on ne peut que reconnaître quel méticuleux auteur Greg Egan est. Rien est vraiment superflu tout est programmé et ciselé avec précision.
Aux rangs des regrets, les aspects "techno-thriller" entre création d'un dieu virtuel et groupes fanatiques sont en demi-teinte. Ce qui intéresse le lecteur ce sont ces deux personnages principaux et leur but devenu commun. Les piratages et espionnages informatiques sont un peu « lourds » au milieu du récit. A contrario, lorsqu'un personnage important meurt, Egan évacue son décès en quelques pages alors qu'il s'agit d'un événement central qui fait basculer le récit.
Toujours attiré par les retours sur le travail de Greg Egan je pense avoir choisi le bon roman pour commencer son œuvre, il ne me manque que le courage d’entamer ses nouvelles que l’on dit bien moins « humaines ». 8/10