Un de Baumugnes
7.7
Un de Baumugnes

livre de Jean Giono (1929)

Pour une poignée de Douloire

Amédée, le narrateur, vieux saisonnier sans amarres qui va de ferme en ferme pour les moissons et les foulaisons, nous conte une histoire d'amitié et de rédemption... celle d'Albin, celui qui vient de Baumugnes, qu'il rencontre dans un bar et à qui il tire le verbe du nez. Touché par son regard et par son histoire, évidemment une de coeur brisé et de femme, mais surtout par sa façon de la raconter, Amédée va lui proposer son aide et aller enquêter à la «Douloire», ferme chétive située dans le creux de la Durance, les pieds dans l'eau et le museau contre le haut plateau qui barre le ciel.
Second volet de sa fameuse trilogie de Pan, "Un de Baumugnes" est moins aride et plus feuillu que "Colline" et ses Bastides blanches pelées peuplées de païens. Toutefois si la Provence n'est pas aussi brutale que dans le premier opus, elle ne baisse pas pour autant les armes comme l'atteste le violent orage qui s'abattra sur la ferme. Douleur et endurance caractérisent bien la vie dans la vallée.

Plus enlevé et mieux construit également, davantage habité aussi, c'est toutefois toujours la première manière de l'auteur, celle d'avant-guerre qui est encore profondément fruitée par ses lectures antiques d'adolescence qui coûtaient moins d'un franc contre plus de trois pour les auteurs contemporains, dans un style vert, frais et très oral, extrêmement proche de celui de ses débuts, celui du Noyau d'abricot. Giono multiplie à l'infini les jeux de comparaisons, de métaphores et d'images, ne pouvant traduire les émotions et l'abstrait que par cet origami de similitudes et d'alliances avec le monde environnant. Bien au-delà d'une quelconque préciosité de poète mignard, c'est juste la seule voix possible pour le narrateur-auteur.

Il y a dans les corps gioniens un pan entier et indicible de nature et cette dernière se retrouve personnifiée par les premiers en un chiasme orphique. Aussi les figures ont-elles «le sourire de l'herbe», le sein est-il «fleuri» tandis qu'un rocher «fait le pitre» et que le ciel a la joue bleue.

Enfin, quand tel un "sorcier" Albin joue de son harmonica et qu'il pique au plus profond des êtres au point de faire mal, balançant dans la nuit des choses qu'il «faudrait siffler et danser», c'est Pan qui avec sa flûte gagne enfin le duel contre la lyre d'Apollon mais c'est aussi et surtout le chant de Giono lui-même.
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le 7 mars 2012

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Nushku

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