Si ce très court essai n'est pas inintéressant, et doit probablement être très utile aux esprits trop ethnocentristes et manquant de lumières (j'ai notamment beaucoup aimé la remarque sur le "faux évolutionnisme" cad que le placement des différentes civilisations et cultures sur un axe unique de progrès serait une façon de se défendre face à leur diversité, de la nier en la réduisant à une simple histoire de degrés d'avancement), j'ai deux principaux reproches à lui adresser.
Premièrement, bien qu'utile, la métaphore du casino est limitée. Le "progrès" est effectivement beaucoup affaire de hasard, et un Européen qui s'enorgueillirait un peu trop de la révolution Industrielle, vue comme pur produit du génie de sa race, serait idiot. Mais, même si l'auteur n'explique pas que tous les joueurs tireraient les numéros avec la même probabilité, je ne pense pas qu'il soit pertinent de faire du progrès une fonction prenant principalement la diversité culturelle en entrée. Une fois une échelle de valeur choisie, les différents joueurs ont structurellement des probabilités de résultats drastiquement différentes, et il faut d'abord tâcher à créer des cultures particulièrement aptes à maximiser les chances d'élever l'humanité. À lire l'ouvrage, on sort avec l'impression que la diversité est la variable la plus importante. Ça m'a l'air d'un vœu un peu pieux (même si à voir).
Secondement, et c'est mon reproche principal, je trouve au livre un certain manque de radicalité. Lévi-Strauss ne nie pas l'existence d'un progrès en soi, il critique juste sa prétendue unidimensionnalité (ou faible dimensionnalité, du moins). Ce livre n'et pas que deux sociétés différentes puissent vouloir aller dans deux directions opposées, au mieux elles pourraient être orthogonales. Pourtant ce serait un débouché logique de l'idée de la multiplicité des échelles de valeur. Cette attaque contre l'ethnocentrisme me paraît donc un peu bâtarde.
Cependant peut-être que je suis inutilement dur avec un essai de 80 pages servant à faire une saine propagande auprès du plus grand nombre, et ce en 1952 cad à une époque où tout ça était novateur. Mais je pense qu'il y a une certaine pertinence à juger les livres philosophiques anciens avec un regard contemporain : si une pensée a été déée par le temps, il est bon de le noter et de comprendre que son étude n'a plus d'intérêt qu'historique.