Alain (de son vrai nom Emile Chartier) c'était pour moi la caricature du radical de la fin de la IIIe République : un pacifiste convaincu, balloté par des vents contraires et mauvais, une sorte de faillite intellectuelle qui avait accompagné la faillite politique de sa famille partisane.
Ses propos sur le pouvoir - recueil de diverses notes et articles publiés ou écrits entre 1900 et la fin des années 1930 - sont assez loin de cette hypothèse: sur les experts, les nécessités et les dérives du pouvoir, la différence entre l'obéissance et l'adhésion ou l'approbation "obéir en résistant c'est tout le secret", mais aussi surla revalorisation paradoxale du personnel politique, Alain a des choses à dire qui détonneraient encore aujourd'hui et méritent le détour.
Parce que derrière une apparente simplicité - tout homme ayant du pouvoir non contrôlé en aba quelque soit sa bonne volonté, le pouvoir veut avoir raison quelque soit ce qu'il défend, la démocratie n'est pas une affaire d'expert - Alain, manifestement marqué par l'affaire Dreyfus et la Première guerre mondiale -propose un travail sur soi d'une grande profondeur, pour garder une lucidité de tout temps, même sans être expert de tout et perçoit clairement les différences si ténues qui séparent les situations satisfaisantes et les pires abimes.
A cela s'ajoute un sens de l'humour, une fausse candeur, mordante d'ironie et rendant l'oeuvre agréable à la lecture - notamment le age sur les mollusques au ministère des circonlocutions. Il y a comme une forme de populisme snob chez Alain.
Ami lecteur, vous pouvez lire les Propos sur le pouvoir d'Alain qui ont bien mieux vieillis que l'on pourrait croire: ils valent de l'attention - à défaut d'approbation.