À première lecture, le Phèdre est, pour rester poli, obscur. Le dialogue semble boursouflé – le mythe d'Orythie ? des cigales ? toutes ces métaphores grivoises ? – et complètement incohérent : mais de quoi parle-t-il ?
Et pourtant : le Phèdre est une construction d'une finesse extrême et, bâti suivant un plan précis, progresse le long d'une logique implacable. Rien n'est superflu, tout est nécessaire, et en particulier Phèdre lui-même, cette cruciale potiche.
S'il apparaît scindé en deux parties distinctes, il constitue pourtant un tout indissociable : sans les discours introductifs, la seconde partie serait bien vide, puisque Socrate, contre le discours de Lysias et son propre premier discours, mensonger et stupide, met en scène son idéal de parole, répondant à deux exigences fondamentales. D'une part, une construction organique, partant du tout, le divisant jusqu'à ne plus pouvoir le faire, définir ces espèces et les étudier ; d'autre part, le nécessaire objectif de la recherche du vrai – si les sophistes ont raison dans leur connaissance de l'âme et dans leur codification de la parole discursive, ils ont tort de ne voir dans la parole qu'un jeu ou, pire, un levier efficace sur les foules.
C'est, bien au-delà des déductions sur le statut de la parole, toute une éthique du philosophe qui apparaît : hors des préoccupations sociales et matérielles – l'amoureux fou, les cigales – et pourtant profondément plongé dedans – Socrate est un homme de la cité – ; le philosophe est fou, condamné à l'incompréhension, mais cela ne le concerne pas, parce que ses préoccupations sont supérieures.
Le Phèdre est une œuvre en tous points remarquable.