Sortir le sixième et dernier opus d'une série à succès 11 après le précédent, l'exercice est malaisé. On ne compte plus les bides monumentaux en la matière, les déceptions des lecteurs et des fans qui ne mettent guère longtemps à comprendre que l'auteur n'est plus trop motivé par le projet, mais que bon, l'éditeur et tout ça, voire même dans certains cas le besoin pressant de faire entrer quelques liquidités. Force est de reconnaitre, et sans préjuger de ses motivations que je ne connais pas par ailleurs, que Lehane s'en est plutôt bien tiré.
Il a d'ailleurs eu l'intelligence de faire vieillir ses personnages d'autant que l'intervalle qui sépare son cinquième et son sixième opus. Ce qui en l'espèce fonctionne bien, car l'action des bouquins est toujours contemporaine de leur année de sortie. Et puis il faut reconnaitre que le cinquième tome (l'excellent Prières pour la pluie), s'il marquait les retrouvailles amoureuses du couple Kenzie / Gennaro, ne constituait pas vraiment une fin de saga. Dit autrement, à la fin du bouquin, notre duo se retrouvait comme à chaque fois prêt pour de nouvelles aventures. Ce n'est plus le cas maintenant, de toute évidence, même si je n'en dirai pas plus pour ne rien dévoiler. Ajoutons simplement que le lien avec le é se fait bien également parce que reviennent ici certains des personnages d'une enquête précédente (la quatrième, crois-je).
Sinon, Lehane n'a rien perdu de sa gouaille (exprimée à travers le narrateur, Kenzie) dès lors qu'il s'agit de critique sociale envers les travers de la société étasunienne. Que selon sa méthode désormais bien éprouvée, il déroule via des portraits de personnages secondaires croisés au cours de l'enquête. Pour toutes ces raisons, et aussi parce que je suis content d'avoir eu des nouvelles d'Angie et de Patrick, je lui pardonne volontiers un scénario un peu bancal, un fin légèrement bâclée et quelques excès de sentimentalisme (à mettre sans aucun doute sur le compte des onze années écoulées).