La sorcellerie de Sandrine Collette opère encore. En quelques mots, quelques phrases, nous voilà plongés au Moyen-âge, dans la rigueur de l'hiver, la rugosité des pierres, les senteurs de mousse, les craquements des brindilles. Et l'intense sensation du frimas, de la nature à la fois protectrice et sauvage.
L'hiver s'est installé et nous ne croisons plus de chevreuil. Le froid anesthésie la vie, nous prend les poumons quand nous sortons et que l'air s'engouffre dans nos gorges. Il arrive que nous restions cloîtrés dans les maisons jusqu'à midi mais les maisons elles-mêmes ne sont plus chaudes, le gel enveloppe chaque pierre de chaque mur, Rose pose une main, frissonne, remet une bûche dans l'âtre. Forcément nous scrutons nos réserves de bois, nous comptons. Les jours qui nous séparent du printemps, si le printemps arrive. Certains matins nous n'y croyons plus. Certains matins nous ne sortons plus.
De sa façon de parler "des hommes", d'employer le pronom "nous", voire même le pronom "il" ou "elle", le lyrisme surgit, inexplicablement. Mais d'où vient cette force? Cette puissance de style? Pourquoi ces mots-là vibrent-ils quand tant d'autres sonnent creux? Peut-être parce que tout vit. Parce qu'on ne s'embarrasse pas du superflu. Tout de suite la faim, le froid, la hargne. Toujours les sensations, les sentiments, les ressentis. Dignes.