Regroupant des chroniques parues ces dix dernières années dans divers titres de la presse communiste, le dernier opus d’Aymeric Monville s’adresse « à tous les hommes de bonne volonté, internationalistes et patriotes ». Les penseurs de gauche en prennent pour leur grande, d’Alain Badiou, « petit clerc qui joue au philosophe-roi dans la République platonicienne des lettres » au « menchévik » Frédéric Lordon, à Chantal Mouffe, Jacques Sapir, Slavoj Zizek ou Michel Onfray (forcément suspect du fait de ses liens supposés avec la Nouvelle Droite…). « Les mandarins marinent entre eux et finissent par inf ensemble » tempête-t-il en s’en prenant à ces nouveaux clercs. Quelques inclassables figurent aussi dans cette liste noire, tels que Jean-Claude Michéa, à qui il est reproché d’entretenir un « vieux girondinisme sentimental », Francis Cousin, « le debordien de service de la bonne vieille droite […] qui aura poussé le paradoxe jusqu’à parler marxisme en priorité à des anticommunistes rabiques », ou Alain de Benoist, que l’auteur trouve au « carrefour de tous les déçus de la gauche réenchantés par la vraie droite ».
S’il nous est évidemment impossible de partager toutes ses antipathies ni de le suivre dans un certain purisme léniniste aux accents souvent nostalgiques, il faut reconnaître que Monville maîtrise l’art du pamphlet et qu’il développe une réflexion marxiste rigoureuse qui laisse loin derrière lui les sociaux-démocrates rose pâle et les gauchistes de bonne famille. Un marxisme profondément français à la tonalité jacobine plongeant ses racines dans la tradition révolutionnaire, celui de son maître Michel Clouscard (dont il est l’éditeur), « le Balzac du néocapitalisme financier », le philosophe « qui jouait Rousseau contre Sartre, qui assignait au mythe de Tristan et Iseult un rôle fondateur pour notre Etat-nation moderne, une voix qui montait des mines de Carmaux, une conscience hérétique, rouge comme la pierre de l’Albigeois ». Parmi les textes les plus inspirés, nous conseillerons particulièrement ceux sur le gramscisme, ceux sur le fédéralisme européen et ceux sur l’opposition entre athéisme marxiste et athéisme nietzschéen.