Concernant le style des Bienveillantes, n’en déplaise aux critiques dithyrambiques, je persiste à dire que Jonathan Littell est à Céline ce que Dion est à Dior, et cela principalement, du fait que le français n’est pas sa langue natale.
Une certaine connaissance finement documentée émane sur les auteurs français de la collaboration (sont cités Rebatet, Brasillach, Genet). Elles étonneront à plus d’une reprise de la part d’un auteur américain. C’est donc à un spécialiste de cette période et de ses acteurs, que nous avons affaire. Quelqu’un ayant déé le stade embryonnaire de la littérature historique pour la littérature- toute courte ! D’une littérature américaine faussement française, devant tout aux russes (Dostoïevski, Tolstoï, Grossman - mais également Kafka ?).
Pas une phrase sauvable, je persiste à l’écrire.
Il semblerait que ce livre soit issu d’un premier jet, un geyser magnifique, une éjaculation géniale, autant dire que le style dominant des Bienveillantes m’a paru habilement non-travaillé, maniant avec dextérité une maladresse scalpelle. Mais que derrière son apparent brutalisme se dissimule en réalité une extrême sophistication, celle-là même que les hauts fonctionnaires nazis – parfois issus de la haute-bourgeoisie, jusqu’à l’aristocratie – se plaisaient d’affecter. Froidement viscontien, on pensera aux Damnés du cinéaste, « bien écrit » écrit tout en ayant l’air « de ne pas y toucher ». La compromission avec le sujet plonge le lecteur dans l’incertitude jusqu’au malaise.
Le sadisme de cette perspective affectée par l'auteur des Bienveillantes, celle des nationaux-socialistes, semble favoriser la thèse, concernant la « solution finale », du calcul logistique. Qu’il s’agissait de traiter un problème, avec froideur, problème qui - rappelons-le- fut monté de toutes pièces (Protocoles des sages de Sion), en réduisant à l’état de vermine une démographie que l’ont traita comme de vulgaires parasites, et par une performance diabolique, l’on réduisit effectivement.
C’est à un déréglemente stylistique, que la proposition du saint d’esprit Stuart Littell, à laquelle elle nous convie, m’a fait douter de ma sécurité mentale ; Masterclass.