Laissé dubitatif, dans ma jeunesse, par la Métamorphose (peut-être à tort), j'ai tardé à revenir vers Kafka. Quelle erreur ! Le Procès mérite sa célébrité. Il s'est débarrassé de tous les atours habituels du roman — le cadre est minimal et assez impersonnel, les personnages ont rarement plus d'un ressort psychologique, quand ils en ont un, etc. Ne reste qu'un noyau dur, et une tension permanente, qui tourne souvent au rire nerveux : celle de ces dialogues absurdes, de ces procédures incohérentes, de ces situations invraisemblables que Joseph K. regarde en seul témoin serein. J'ose à peine m'aventurer à une interprétation du roman, sur lequel on a beaucoup écrit.
Simplement, je dirais que je ne suis pas très convaincu par l'idée selon laquelle Kafka parle vraiment de la loi, du pouvoir, du système judiciaire. Non pas que son portrait de la bureaucratie soit totalement anodin : Kundera, dans son Art du roman, lui rend un juste hommage. Kafka a saisi le développement d'une nouvelle forme de pouvoir impersonnel, du monde presque onirique (le bon sens de K. s'oppose à l'apparente rationalité du tribunal) créé par les métastases istratives. Mais il me semble aussi que le Procès est surtout le roman de la faute (qu'on peut relier sans mal en cela avec des nouvelles comme le Verdict ou la Colonie pénitentiaire).
(à noter en ant que j'ai appris avec intérêt que Vialatte avait été un des grands propagandistes de Kafka en . Comme quoi, on peut avoir de multiples talents… “et c'est ainsi qu'Allah est grand” !)