Le Livre du rire et de l'oubli par About

Lors de ma première confrontation avec Kundera, je l'avais rangé au banc des auteurs surfaits. Avant de me lancer dans une deuxième tentative, car, paraît-il, Kundera est un auteur plus fin qu'il n'en a l'air à la lecture de son opus plus célèbre. Pour autant, si l'effectif narratif est plus sculpté que celui de l'Insoutenable Légèreté de l'être, Kundera récupère les mêmes rengaines qu'à l'ordinaire.

Le Livre du rire et de l'oubli installe, à travers une demi-douzaine de sous-textes cohérents, un plateau de variations sur le souvenir et l'esclaffement en ce qu'il ont de sain ou de malsain.

Rien, au fil du récit qu'on aimerait relire, reprendre, sinon deux-trois images éparses qu'on se force à dénicher en bout de paragraphe pour respirer un peu hors de l'ordinaire textuel étouffant. Semi-insipide, le style, de plain-pied, est dénué de fulgurances et enclôt dans le stéréotype. Kundera peine, ainsi qu'à l'accoutumée, à s'évader de l'écriture carcérale et stéréotypée qu'il s'impose. On ne cesse de me louer un style prétenduement efficace et éthéré ; à moi, il me fait autant d'effet qu'un pétard mouillé.

Au rang des choses bien lourdingues : les dégoulinements de prétention, sans compter, au surplus, cette prose vulgarisée qui s'échine à expliquer et répéter outre mesure aux plus imbéciles d'entre nous les platitudes qui germent de travers dans son esprit de poët. (Il prend d'ailleurs bien soin de surligner, en italique, les ages les plus traumatisants de génie.) Difficile de résister à transmettre ici-même ce patrimoine culturel. On apprend, tenez-vous bien, que toute réalité est représentation, que la réalité en acte se transcrit en mémoire, que la mémoire s'effrite et, ce faisant, dévie notre perception de la réalité ée. Restant vigilant à ne pas céder au vertige métaphysique, notons tout de même que le message, ambitieux et dingue de profondeur, permet à Kundera de résumer en 300 pages toute sa subtilité d'écrivaillon pas prétentieux pour un pet.

Probablement qu'on ne pourra pas, au milieu de son obsession pour Prague, 1968, et le libertinage, lui reprocher sa clarté. N'empêche : il tire profit de cette simplicité narrative et stylistique pour disséminer des balises à intention dramatique qui, au bout de la vingtième fois, cessent d'émettre leur signal.

Bref, à rire ou à oublier, mais Kundera ne bougera pas du banc.
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le 2 sept. 2012

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le 2 sept. 2012

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