Pour faire du (sous-)Jankélévitch, on pourrait dire qu'il s'agit moins ici de penser la "quiddité" que la "quoddité". Traduction, siouplé ? Il n'y a pas vraiment d'objet précis à saisir dans son essence - ce qui ne vous aura pas échappé à la seule lecture du titre du bouquin -, plutôt une autre manière de faire de la philosophie, méditative, poétique, quasi mystique, bien loin des systèmes et des élaborations rationalistes. Il est question de la liberté, du devenir, de l'art, de l'instant... De la vie ouverte, en somme. C'est sympathique sur le fond, la forme est tantôt élégamment académique, tantôt presque lyrique (oui, je sais, distinguer le fond et la forme, c'est neuneu), mais le travail d'écriture, toujours présent, peut s'avérer lassant parfois à force de jongleries verbales, et il arrive même que le brio soit à la limite du précieux ridicule (exemple parmi cent autres : "Des carrefours ramifiés à l'infini, des bifurcations infiniment bifurquées, rendent presque inextricables le labyrinthe de la complication complexe").
Ce n'est pas déplaisant, mais si j'applique le bon conseil de Cioran selon lequel il faudrait traduire tout texte philosophique en langage courant pour voir ce qu'il en reste, eh bien je n'en tire pas grand-chose, précisément. Donc c'est joli, mais un peu long. Méditer le je-ne-sais-quoi et le presque-rien pourra aussi bien, mais surtout mieux s'effectuer en ce qui me concerne avec de la musique ou lors d'une promenade ; à la philosophie poétique, je préfère à tout prendre la poésie tout court ; aux conférences sur les vocalises, les vocalises elles-mêmes.
(PS : Le constat vaut à peu près pour le tome 3, encore que les développements de ce dernier (bref) tome soient plus concentrés, autour de la notion de liberté, ce qui lui donne l'avantage d'être plus facile à suivre, mais l'inconvénient de ne pas casser des briques (conclusion : pour vouloir, il faut vouloir. OK. Ça, c'est du presque-rien en effet). Je n'ai pas poussé la "volonté de volonté" jusqu'à lire le deuxième tome).