Un (très) bon cru de la romancière anglaise, qui a le bon goût de poser son récit et ses nombreux personnages, avant d'entrer dans le petit jeu attendu du whodunit, avec ses traditionnelles fausses pistes mais également les déductions improbables du détective Hercule Poirot, qui n'apparaît qu'à la moitié du récit.
L'action du roman se situe juste après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, lors du retour dans leurs foyers des engagés volontaires qui ont survécu. Parmi eux, Lynn Marchmont, une belle et courageuse jeune femme, qui a bien du mal a retrouver sa place au sein de son environnement, notamment auprès de son fiancé Rowley Cloade (surtout depuis l'irruption de David Hunter, un jeune irlandais ténébreux).
J'ai trouvé assez ionnant ce triangle amoureux sur fond de retour du front, les personnages en question suscitant l'empathie du lecteur.
Autre thème abordé dans "Le flux et le reflux", celui de la dépendance (consciente ou inconsciente) d'une famille entière à l'égard de leur richissime cousin, dont la tutelle bienveillante protège chacun des dures réalités.
Or ce vieil homme solitaire décède au cours d'un bombardement, juste après s'être remarié (de façon inattendue), et sans avoir pu modifier son testament. Et voilà le magot qui s'évanouit pour le clan Cloade, au bénéfice de la jeune veuve, et de son omniprésent frère, en l'occurrence David Hunter.
Agatha Christie montre avec acuité les réactions de chacun face à ce coup du destin, ce qui nous offre des pages savoureuses décrivant l'orgueil des uns et l'hypocrisie des autres.
Concernant l'enquête criminelle elle-même, elle est captivante, quoique tarabiscotée, ce qui constitue souvent la règle chez Agatha Christie. Quelques invraisemblances sont à noter, mais on saluera surtout la maestria avec laquelle la Reine du Crime emballe son dénouement, justifiant une fois de plus sa réputation en laissant son lecteur bouche bée au moment de la résolution finale.
On regrettera en revanche un épilogue bien mal venu, qui sous couvert de happy end, justifie mine de rien des exactions gravissimes.