La curiosité a parfois du bon, permettant de découvrir des oeuvres qui ne nous emballaient pas au premier abord mais qui s'avèrent au final hautement satisfaisantes. N'y voyant qu'un énième récit initiatique pour ado, une sorte de Harry Potter dans l'espace, "La stratégie Ender" faillit m'échapper, jusqu'à ce que son aura de petit classique de la littérature ne vienne sonner à mes oreilles.
Premier volet d'un cycle comportant pas moins de six livres et rédigé en 1985 par Orson Scott Card, "La stratégie Ender" évoque effectivement la saga imaginée bien plus tard par J.K. Rowling, à ceci près que l'on s'attarde ici essentiellement sur l'entraînement de son jeune héros. Un peu comme si Rowling décidait de consacrer un tome entier à une partie de quidditch.
Mais plus le récit avance, plus il apparaît que ce "Starship Troopers" au premier degré n'est pas ce qu'il semble être, cachant derrière sa banale histoire de sauveur de l'humanité des ramifications bien plus complexes et ionnantes, l'auteur profitant du cadre de la S-F jeunesse pour livrer une critique acerbe envers le monde qui l'entoure (nous sommes alors en plein conflit USA / URSS), pointant du doigt la manipulation des masses et surtout l'endoctrinement, à travers le portrait d'un simple gosse conditionné pour devenir le soldat ultime, au détriment de sa vie et de sa propre humanité.
Sacrément en avance sur son temps, prédisant déjà l'avènement des réseaux sociaux et la récupération du médium videoludique à des fins militaires et politiques, "La stratégie Ender" est une belle surprise pour ma part, compensant ses quelques redondances par un fond pertinent et par un message humaniste, se concluant avec émotion et mélancolie sur l'ultime cri d'amour et de paix de deux races n'ayant pu se comprendre.