Karine Tuil pose la question, dans son nouveau roman, La guerre par tous les moyens, du pouvoir dans tous les sens du terme et dans toutes les situations, dans les mondes, politique, artistique et littéraire, au niveau de l’intimité familiale, de la sexualité, et plus largement, entre les hommes et les femmes dans notre société moderne.
L’écrivaine analyse à travers des situations très diverses et très nombreuses, les enjeux de domination, l’attraction du pouvoir, la satisfaction qu’il procure mais aussi les destructions qu’il apporte et l’immense solitude lors de sa perte. Au fil de la lecture, tous les détails dispersés, paraissant anodins, trouvent une signification dans ce grand puzzle de la vie qu’a construit avec maestro Karine Tuil.
« La politique, c’est la guerre continuée par d’autres moyens » disait Michel Foucault en paraphrasant Carl von Clausewitz que cite Karine Tuil comme explication à ce titre si particulier. Sauf que cette guerre, ses personnages vont la vivre seul(e), sans arme pour les protéger, avec des fards pour les habiller, acceptant d’en être détruit même si leur addiction permet, peut-être, d’y surnager.
Brins d’histoire
Président de la République pendant un mandat, soit cinq ans, Dan Leihman se retrouve nu, inutile et seul du jour au lendemain. Pour combler le vide, il enregistre sa vie et ses réflexions sur un dictaphone. (Comme Nixon dira Léa Salamé dans une interview, journaliste reconnue, obsédée par sa puissance et qui souhaitait montrer qu’elle travaille ses sujets !)
Dan sort un livre pour exister encore un peu dans cette ronde folle médiatique. Il s’apprête à répondre aussi à la convocation d’une juge du pôle financier. Remarié depuis huit ans avec une actrice très célèbre, Hilda Müller, il a une petite fille de 8 ans, atteinte de surdité.
Critique sociale brillante
Avec sa perception machiavélique et son amour des mots, Karine Tuil construit tout son univers autour des réflexions de chacun sur les événements qui entraînent le lecteur des dorures de l’Élysée au Festival de Cannes. Le lecteur aurait tort de chercher un roman à clef. Karine Tuil s’en défend dans chaque interview promotionnelle. Et pourtant, difficile, tant la fiction est nourrie de points de référence aux actualités les imbriquant.
Ce roman est une critique acerbe de notre société contemporaine avec ses renoncements, tellement divers et variés qu’il serait insensé de les recenser. La justesse de son regard attentif à décrypter ce que nous vivons, même si nous sommes loin de ce pouvoir omniprésent et exclusif, éclaire sur la dureté ressentie, parfaitement décrite ici précisément.
L’écriture est, comme d’habitude, travaillée et exigeante, jusqu’à trouver traduction des différents états de son personnage principal dans la typographie. Ses sujets foisonnants sont denses et percutants. Un excellent roman. Pour moi, le meilleur de ceux que j’ai lus de cette écrivaine !
Chronique illustrée
https://vagabondageautourdesoi.com/2025/03/18/karine-tuil-la-guerre-par-dautres-moyens/