Quand l’Histoire parle avec des larmes et du sang

Si tu pensais que la chute de l’URSS, c’était juste une affaire politique, des murs qui tombent et des drapeaux qu’on range, La Fin de l’homme rouge de Svetlana Alexievitch est là pour te rappeler que derrière les révolutions, il y a surtout des vies brisées, des espoirs trahis et des mémoires hantées.


Ce n’est pas un roman, c’est un chœur de voix. Des Russes, des Biélorusses, des Ukrainiens… Des anciens apparatchiks, des prisonniers, des idéalistes, des cyniques, des paumés. Tous ont un morceau du puzzle à raconter, et tous ont vécu la transition du communisme au capitalisme comme un séisme intérieur. Fini l’illusion de la grande patrie soviétique, place à l’individualisme brutal, à la corruption, à la pauvreté, à un monde où les repères s’effondrent en même temps que les statues de Lénine.


Svetlana Alexievitch, en journaliste-orfèvre, ne commente pas, ne juge pas, elle tend juste son micro, et ce qui en sort est aussi fascinant que bouleversant. On e d’un témoignage à l’autre avec la sensation d’entendre la voix d’un peuple entier, pris entre nostalgie et désillusion. Certains regrettent Staline, d’autres célèbrent leur liberté, mais tous partagent cette même douleur : celle d’avoir vécu un moment de l’Histoire où les rêves se sont fracassés contre la réalité.


Alors oui, c’est dense, c’est intense, et ce n’est clairement pas une lecture feel-good. Le flot de témoignages peut sembler répétitif, presque écrasant, et si tu cherches une intrigue classique, tu vas vite comprendre que ce livre ne fonctionne pas comme ça. Mais c’est là toute sa force : il ne raconte pas, il fait ressentir.


Bref, La Fin de l’homme rouge, c’est un livre qui te prend aux tripes, une autopsie de l’âme soviétique en mille fragments, une fresque humaine où chaque voix est un cri, un regret ou un espoir brisé. L’Histoire, ici, n’est pas un concept, c’est une plaie encore ouverte… et tu ne ressors pas indemne de ce voyage.

9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs livres des années 2010

Créée

le 12 févr. 2025

Critique lue 4 fois

1 j'aime

2 commentaires

CinephageAiguise

Écrit par

Critique lue 4 fois

1
2

D'autres avis sur La Fin de l'homme rouge

Illusions et désenchantement : L'exil intérieur des Russes après la chute de l'Union Soviétique.

«Quand Gorbatchev est arrivé au pouvoir, nous étions tous fous de joie. On vivait dans des rêves, des illusions. On vidait nos cœurs dans nos cuisines. On voulait une nouvelle Russie… Au bout de...

Par

le 7 déc. 2013

35 j'aime

La Fin de l'homme rouge
10

Lorsque se lèvent les rideaux

Je retombe sur ce livre après deux années sur les étagères. Je ne résiste pas à l'envie d'écire quelques lignes à son sujet, tant il m'avait marqué. Pour ceux qui ne connaissant pas, la méthode de...

Par

le 27 sept. 2018

7 j'aime

2

La Fin de l'homme rouge
10

Critique de La Fin de l'homme rouge par Dagoni

A quoi ça sert la littérature ? Tisser des personnages et des intrigues pour provoquer de l'émotion, que de superficialité. Philosopher est également un luxe, sonder l'abstrait n'a pas de sens...

Par

le 16 avr. 2020

6 j'aime

Du même critique

Quand Astérix et Obélix découvrent Lutèce

Avec La Serpe d’or (1962), René Goscinny et Albert Uderzo emmènent Astérix et Obélix dans leur première grande aventure hors du village, direction Lutèce. L’occasion de découvrir que les Gaulois ne...

le 20 déc. 2024

6 j'aime

Quand être un agent secret signifie survivre à un scénario en roue libre

Si Agents of S.H.I.E.L.D. était une mission, ce serait un plan hyper élaboré qui tourne mal dès la première minute… mais que tout le monde continue comme si de rien n'était.Le concept est censé être...

le 20 mars 2025

4 j'aime

3