toutes les couleurs de la nausée

c'est fini !


je suis enfin sorti de ce livre immense.


...avec la sensation d'avoir traversé un continent à pied...


...parti les mains dans les poches, pas habillé ni préparé pour ça...


...ça a duré des siècles...


...et pas les plus heureux de l'éternité.


- ça va choquer certains, ce rapprochement, mais la sensation de parcourir un espace énorme, en cheminant lentement, souvent dérouté ( dans tous les sens ) et perdu ( très perdu ), avec conscience de ma petitesse dans ces immensités, en progressant difficilement, en voyant er dans le ciel des nuées de corbeaux et, souvent, des formes plus inquiétantes, m'a rappelé le seigneur des anneaux - le livre.


- Plus souvent à travers des Mordors qu'à la Comté.

Avec beaucoup de brouillards puants.

...et une terre du milieu où le bien n'existerait pas.

...et où on poursuivrait une obsession, une idée fixe, ou plutôt l'ombre difforme d'une idée, au lieu d'avoir un vrai objectif, un but, une mission.


...pas très réjouissant.


- Pourtant, il y a bien les chansons - comme celles de Tolkien qui vous tombent dessus au milieu d'un chapitre, essayez de lire à voix haute à un enfant, quand vous butez sur une de ces fichues chansons, vous avez l'air fin - et bien Pynchon en sème partout, ce n'est plus un roman c'est une comédie musicale, au sens littéral : le récit e soudain en mode comédie musicale - souvent au pire moment pour ça !

( j'en ai compté au moins 77 ! )

...toutes plus débiles les unes que les autres, un affreux concours d'inepties. On pense un peu à La Vie de Bryan,mais en plus ordurier. La plupart sont à vomir. Après ça, on ne veut plus voir une chanson en peinture.


- Comme souvent chez Pynchon, au commencement on se dit "tiens, c'est de ça que ça va parler, c'est dans cette direction qu'il va ? "

- Et vite, non, en fait.

On parcourt la moitié du livre sans comprendre où il veut en venir - et c'est la meilleure moitié.

Quand des directions s'esquissent, quand on devine la destination, Pynchon perd beaucoup de son charme, toujours.

Et la fin est laborieuse.


( franchement, j'ai galéré )

Lire ça en anglais était un peu une folie. Pas tellement à cause du langage non-conventionnel de l'auteur - c'est assez facile, on voit vite qu'il faut prononcer à voix haute, "sez" pour comprendre "says" etc. .

..on e par la phonétique, heureusement Pynchon ici utilise moins des argots que des graphies transcrivant des accents... C'est gérable.

...et j'ai survécu à la phrase Pynchonienne - ce gars a une conception très personnelle du sujet-verbe-complément et des articulations des propositions subordonnées, souvent vous avez l'impression que votre petit GPS vient de se mettre en grève...

- Mais l'inattendu - la très mauvaise surprise- c'est que Gravity's Rainbow est truffé de mots allemands !

Pour moi, dont le bagage germanique se résume à Achtung ! Papiere Bitte ? Schnell Schnell ! Danke ! Ach ! Krieg Gross Malheur Matemoizelle... ( merci Bourvil et Defunès ), c'était comme croquer un caillou au milieu d'une phrase.

...ça aurait mérité un avertissement sur la couverture : pour anglo-germanophones masos.


( mais de quoi ça cause, en fait ? )

- Pendant la seconde guerre mondiale, puis l'immédiat après-guerre, des groupes de ...chercheurs ? sont obnubilés par les bombes. Enfin, je dis "bombe" mais le mot "rocket" désigne autant fusée que bombe, ou missile ( je n'aurais pas aimé devoir traduire ce livre ! pour un milliard de raisons ).

( alors, déjà, c'est un problème : ça me ionne moyen, ça )


C'est l'occasion d'un tas considérations de maths et physique, bof bof...


Les personnages :

- J'ai déjà dit ailleurs que, chez Pynchon, il n'y a que des marginaux, comme dans une page qui serait entièrement constituée de marges, sans espace central "normal".

...et avec des marges de marges.

...ben voilà. On erre dans un roman choral où tout le monde est plus ou moins taré ( plutôt plus que moins ).


- Ce livre, le 3eme de Pynchon, n'est pas mon préféré, loin de là. Je vous conseille plutôt d'approcher cet auteur-montagne par la face Vineland et d'escalader Contrejour si vous le sentez bien.

. Gravity's Rainbow est très déprimant, on patauge dans la cendre mouillée, on s'y ennuie souvent à crever, l'humour est encore plus triste et boueux que les moments sérieux, on n'a pas souvent envie de partager le vécu de ceux qu'on suit, leurs centres d'intérêts me laissent froid...

. Une des caractéristiques de plusieurs personnages, c'est leur paranoïa, et comme chez Philip K.Dick, ils se savent paranoïaques, mais le monde du roman leur donne raison de l'être, leurs pires soupçons s'avérant presque toujours fondés.

. Pynchon en donne une étrange définition, un des persos naviguant entre des périodes où il voit un plan secret dans tout ce qui arrive, et d'autres où il a le sentiment que rien n'a de sens :

trop de sens, pas assez de sens, quel est le pire ?


...bien sûr il y a des organisations occultes, des services secrets et et "Eux", qui semblent être une sorte de super CIA-FBI dont les dirigeants ont vaincu la mort ( et disposant de lieux parallèles pour leurs recrues post-mortem...) un thème "complotiste" avant l'heure qui revient dans plusieurs de ses romans.


. Tout le monde fume des ts tout le temps en tenant des conversations absconses...ça a un petit côté Corto Maltese en Sibérie aussi par endroit, mais très très déglingué et scatologique.


FEMMES :

. C'est choral on l'a dit, mais surtout masculin, on croise quelques personnages féminins très importants, toujours objets sentimentalo-érotiques des hommes, et on ne partage presque jamais leurs pensées, on parcourt ce champ de post-bataille comme un corbeau sur l'épaule des hommes.


...par ailleurs, chose surprenante dans le contexte de la seconde guerre mondiale, le livre parle très peu d'antisémitisme ( tout juste une femme qui craint d'avoir des ennuis parce qu'il se pourrait qu'elle soit d'origine juive ), la notion de racisme se concentrant plutôt sur des choses comme la différence entre britanniques et américains, quelques japonaiseries, et les noirs.

Etrangement, on croise et recroise une mystérieuse tribu de Héréros ayant survécu à leur génocide par les allemands ( très réel, le premier génocide du XXème siècle, pas assez connu chez nous ), qui auraient été "importés" en Allemagne pour travailler sur les missiles ( = rockets ); Ceci occupe une part importante du livre.

. Le sujet du racisme blancs/noirs est introduit étrangement par le rêve d'un des héros poursuivi jusque dans les WCs par des noirs qui veulent le violer, ce qui nous vaut un long délire s'enfonçant dans les canalisations des toilettes ( parmi les étrons flottants ) et débouchant sur une sorte de pays imaginaire...


- Il y a de nombreux ages étranges comme ça - par exemple les longues tribulations d'une ampoule électrique cherchant à fédérer une résistance générale des ampoules, ampoule rebelle qui devient mythique parmi les autres, et est traquée par une organisation humaine visant à éviter toute rébellion des bulbes électriques contre leurs utilisateurs... une aventure avec un cochon...un héros costumé en rocketman... une troupe de chimpanzés... un "gaminland" tenu par des enfants où les travailleurs des programmes militaires vont er des permissions récréatives avec des enfants dont ils ne savent plus vraiment si ce sont les leurs..


Mais à ce propos, il y a un gros souci pour moi :

Souvent au cours du roman ( surtout dans la deuxième moitié ), les personnages ont des aventures pédophiles ( je sais, des fans ont décortiqué la chronologie pour pouvoir défendre l'idée que les mineur-es impliqué-es ne sont peut-être pas vraiment mineur-es, à quelques années près, mais bon, fantasme ou pas, c'est clairement écrit comme étant des situations pédophiles )

Il y a même un chapitre entre une gamine clairement identifiée comme une enfant et un des "héros", écrit comme du porno de gare ( quand Pynchon se dit que le moment est venu de choquer le lecteur, soudain il écrit souvent comme un pied ) mais, bien ou mal écrit, ça reste dégueu, surtout quand, comme toujours dans les 70's, on présente l'enfant comme celui qui veut et provoque l'acte, et l'homme adulte comme ne pouvant résister, quasiment victime des désirs de l'enfant : BEURK !


( bon, on pourra m'expliquer que je n'ai pas compris les intentions profondes de l'auteur, je l'accepte d'avance, mais il y a trop d'occurrences dégoûtantes dans ce livre, c'est difficilement défendable, même s'il s'agissait de choquer )


...bref, j'en suis sorti épuisé et nauséeux.





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le 17 mars 2025

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moranc

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