Voilà un pensum de plus qui, sous le prétexte de dénoncer un système de mécanisation de l’humain, s’enlise dans une mise en scène de soi tout à la fois narcissique – la journaliste pourrait faire partie de la galerie de monstres que propose de Bruno Dumont, sorti cette année – et superficielle. Ce que nous regrettons le plus, c’est l’attachement exclusif de l’autrice aux faits, comme s’ils permettaient d’atteindre une quelconque vérité : l’absence de l’imagination, de la poésie et de l’invention n’offre aucun prisme, aucune distance pour appréhender le fonctionnement d’une application mimétique de l’automatisation galopante de nos sociétés modernes. En outre, ces faits relèvent le plus souvent de l’anecdote dans ce qu’elle peut avoir de plus banale.
Car si Judith Duportail attaque Tinder, elle ne livre en retour aucune réflexion sur la solitude contemporaine ou sur d’éventuelles alternatives aptes à contrer une telle tendance ; dit autrement, elle conforte le système qu’elle entend dénoncer, soucieuse d’aguicher son lecteur par un sujet à la mode et une vulgarité d’écriture qui endorment l’exigence intellectuelle. Ce que nous lisons ressemble au journal intime d’une adolescente en révolte ; l’écriture est au diapason de la médiocrité d’ensemble, puisqu’elle compose une prose pleine de formules toutes faites et de vulgarités qui ne sont là que pour appâter – pourquoi, en effet, traduire une insulte citée en anglais alors que son sens se perçoit aisément ?